Invité du Grand Jury de la RFM ce dimanche, le professeur Moussa Diaw, enseignant-chercheur à l’Université Gaston Berger de Saint-Louis, a livré une analyse mesurée sur la procédure de mise en accusation de l’ancien président Macky Sall. Pour lui, « s’il y a des responsabilités établies, la justice doit aller jusqu’au bout”.
« Dans une démocratie, les débats doivent porter sur les politiques publiques, sur les projets qui améliorent la vie des citoyens, et non se focaliser exclusivement sur les dossiers judiciaires », a souligné le politologue.
Pas d’impunité, mais une justice équitable
Le Pr Diaw estime qu’il ne doit y avoir “aucune impunité”, y compris pour les anciens chefs d’État, mais insiste sur la nécessité de respecter les procédures et l’État de droit.
« S’il y a des responsabilités établies, la justice doit aller jusqu’au bout. Qu’il s’agisse d’un citoyen ordinaire ou d’un ancien président, nul ne doit être au-dessus de la loi », a-t-il affirmé, tout en relevant la complexité juridique d’une telle procédure.
« La Constitution n’est pas très claire sur la question de la trahison ou de la responsabilité pénale d’un ancien président, ce qui rend les poursuites juridiquement difficiles à établir », a-t-il précisé.
Le politologue estime toutefois que “l’aspect symbolique et politique” de la démarche est important, car il rappelle la responsabilité morale des dirigeants.
« Il faut décourager toute gestion patrimoniale de l’État. Ce qui importe, c’est l’assainissement de la gestion publique et la restauration de la confiance entre gouvernants et citoyens », a-t-il plaidé.
“La justice ne doit plus être un bras armé du pouvoir”
Revenant sur la période du régime précédent, le professeur Diaw a dénoncé une “instrumentalisation de la justice” qui, selon lui, “s’est accentuée à la fin du mandat de Macky Sall”.
« Des centaines de jeunes ont été arrêtés pour leurs opinions. Cela montre le déséquilibre entre les pouvoirs et la nécessité d’une véritable indépendance de la justice », a-t-il déclaré.
Il plaide ainsi pour une réforme en profondeur du système judiciaire, notamment par l’élargissement du Conseil supérieur de la magistrature à des membres de la société civile et du monde universitaire.
« Il faut des magistrats autonomes, formés, bien rémunérés, et non soumis à l’exécutif. La justice est le pilier de l’État de droit », a-t-il martelé.
“Repenser nos institutions selon nos réalités”
Enfin, Moussa Diaw a insisté sur la nécessité de repenser les institutions sénégalaises en les adaptant aux réalités sociales et culturelles du pays.
« Nous devons cesser de copier les modèles étrangers. Nos institutions doivent intégrer nos valeurs, nos références religieuses et sociales qui ont toujours joué un rôle de régulation dans les moments de crise », a-t-il conclu.
Pour le politologue, l’enjeu dépasse le seul cas Macky Sall : il s’agit de refonder la vie politique sur l’éthique, la justice et le respect du citoyen.
« C’est à ce prix que le Sénégal pourra retrouver sa cohésion, renforcer sa démocratie et engager durablement son développement. »
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