Moustapha Diakhaté est un héros tragique. Il est une conscience debout, là où une élite universitaire et politicienne a cédé aux compromissions et au marchandage sur le dos du peuple des opprimés. Qu’est-ce que la politique sinon la position exigeante de veilleur et de semeur de graines d’espérance ? La politique, la vraie, pas l’agitation stérile d’incultes et de mercenaires, est une charge douloureuse que l’on porte sur soi pour, chaque matin, défricher une terre nouvelle d’un futur désirable. Elle requiert une distance vis-à -vis des ors et des privilèges et une méfiance des nôtres d’abord puis des fachos, pour ne suivre que le tracé de son devoir jusqu’à la fatalité de la victoire de la vérité sur le mensonge et du progrès sur la réaction. Moustapha marche seul, telle une âme lumineuse, dans la nuit peuplée par les ombres du fascisme. Chez lui, le drapeau de la liberté flotte, soutenu par les vents porteurs et précieux qui balaient le rivage. Ces vents qui guident l’équipée de quelques hommes et femmes à l’âme marin dont la trajectoire indique le chemin de l’espoir. La quarantaine d’années au service de l’humain intégral a aguerri l’homme, raffermi le militant et formaté le redresseur de torts, constamment au chevet de la veuve et de l’orphelin. Parce qu’il s’est affranchi de la prison de la possession ou de l’accumulation de biens matériels, Moustapha n’a peur ni des rudesses de la privation de liberté ni de la corruption des puissants, encore moins de la méchanceté de politiciens incultes dont la première urgence devrait être d’ouvrir une fois dans leur vie un livre. Quand j’ai rencontré Moustapha la première fois, en guise de cadeau pour la prochaine revoyure, il m’a confié ceci : « Tu sais, je crois en trois choses : la République, la démocratie et la liberté ». Cette conviction l’ancre dans une profonde haine des populistes, des racistes, et des fascistes. En cela, il est parmi mes plus précieux voisins de pensée. Moustapha Diakhaté est entré en politique comme on entre en religion, en y apportant cette exigence sur lui-même et sur les structures qui charpentent l’espace public et fécondent les victoires futures. Même dans les geôles où ils l’ont jeté, il ne répond ni à l’injonction corruptrice du ventre ni à celle des honneurs fugaces, il n’agit que sous la dictée du tribunal suprême de sa conscience. Sous le IIIème Reich, Victor Klamperer pointait le début de la dérive macabre déjà par la confiscation de la langue. Ici il est reproché à Moustapha Diakhaté une offense à la police du langage. Dans un pays où trône le Pastef, l’embastillement de Moustapha est légitime :il est toute la liberté et l’intelligence qu’ils haïssent ; ils sont la grande nuit qu’il hait.
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