La presse sénégalaise, confrontée à une crise profonde, est invitée par le ministère de la Communication à des journées de concertation. La Coordination des Associations de Presse (CAP) participera à ces journées, non sans exprimer ses inquiétudes et revendications urgentes.
La CAP remet en question l’efficacité de ces concertations, compte tenu du nombre élevé de participants (300) et d’un agenda qu’elle juge déconnecté des réalités du secteur. « Cela ressemble plus à du ‘seumbkhloo’ qu’à autre chose », déplore-t-elle, selon Sud Quotidien. La CAP aurait préféré des travaux de commission ciblés sur les problèmes urgents, plutôt que des panels chronophages.
Les travailleurs des médias sont confrontés à une précarité matérielle alarmante : arriérés de salaires, menaces d’expulsions, drames familiaux. Cette précarité, souligne la CAP, « porte atteinte à la dignité et à la liberté d’exercer un métier essentiel à toute démocratie ».
La CAP dénonce le silence et l’indifférence de la tutelle face à ses interpellations, ainsi que des mesures jugées « iniques et contre-productives ». La crise de la presse, selon elle, est le résultat d’un « choix politique » : ignorer la réalité, imposer un modèle économique asphyxiant et laisser s’effondrer la presse.
Le gel des contrats publicitaires publics depuis quinze mois et les retards de paiement asphyxient les médias. La CAP conteste l’argument de la « dépendance » de la presse à l’argent public, soulignant que 70 à 80% des entreprises privées sénégalaises dépendent des commandes de l’État. La presse, affirme-t-elle, est traitée comme un « paria » par le pouvoir en place.
La CAP demande au Premier ministre l’organisation d’un Conseil interministériel dédié à la crise de la presse. Parmi les mesures d’urgence réclamées : la levée du gel des contrats publicitaires, le déblocage du Fonds d’Appui et de Développement de la Presse (FADP), et la répartition des montants 2024 et 2025. La réforme du FADP, insiste la CAP, doit se faire après le versement des fonds dus.
La mise en place d’un comité paritaire pour suivre les paiements dus aux médias par les structures publiques est également demandée. Au-delà de ces urgences, la CAP préconise une réforme profonde du secteur, en appliquant les conclusions des Assises nationales de la presse et en adaptant la réglementation à l’ère numérique.
L’arrêt de la Cour suprême du 12 juin, annulant la suspension de 381 organes de presse, est perçu par la CAP comme un « revers institutionnel » pour le ministre de la Communication, rappelant que l’exercice du pouvoir doit respecter la légalité républicaine. La CAP appelle à la mise en place d’un nouvel organe de régulation, au renouvellement de la Commission nationale de la carte de presse, et à la réhabilitation de la dignité professionnelle des journalistes.
La CAP appelle à rompre avec la « stigmatisation récurrente » des médias et à reconnaître leur statut de « service public stratégique ». Elle plaide pour une réforme du cadre de régulation fondée sur l’équité, la stabilité et l’indépendance éditoriale, avertissant que « si le Sénégal n’a rien à gagner à asphyxier sa presse, il a tout à craindre d’un silence imposé ».
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