12:45 am - 19 juin, 2025


Mesdames et messieurs les journalistes,

Nous vous remercions d’être venus nombreux à ce point de presse. Nous sommes attentifs au combat que vous menez pour la défense du droit à l’information des Sénégalaises et des Sénégalais. Nous savons combien vous êtes utiles à la construction nationale, à la promotion des libertés et à la défense de la démocratie.

Avec vous, nous comprenons que notre pays ne peut aucunement gagner dans l’unanimisme béat, le refus de la pluralité ou la crainte irraisonnée des voix discordantes.

En décidant de participer au Dialogue national, nous avons voulu exprimer sans ambiguïté notre attachement au principe de concertation qui est l’un des piliers fondamentaux de la démocratie. En effet, la démocratie ne fonctionne pas
seulement sur la base des décisions de la majorité ; elle est aussi prise en considération des points de vue de l’opposition et de la société civile. La démocratie se nourrit en conséquence de l’écoute, des échanges, de l’inclusion.

Du reste, notre pays le Sénégal a toujours eu recours au dialogue pour construire des consensus forts autour de questions majeures. Ce qu’il a d’ailleurs fini par institutionnaliser à travers une Journée nationale du Dialogue le 28 mai de chaque année.

Nous avons donc tenu à nous inscrire dans la fidélité à cette bonne pratique, en dépit de l’acharnement répressif du pouvoir contre l’opposition, la presse et toute autre voix critique. Nous sommes allés au Dialogue nonobstant les arrestations arbitraires, les emprisonnements intempestifs d’activistes, de députés et d’anciens ministres, les violations répétées du droit de manifestation, les écarts de langage de certains des principaux dirigeants du pays.

Nous n’avons même pas été découragés par le rejet de nos amendements aux termes de référence visant principalement à inscrire à l’ordre du jour les difficultés sociales, économiques et financières qui interpellent l’Etat et les populations et dont la dernière sortie de nos partenaires du FMI atteste et de l’étendue et de la gravité.

A l’heure d’un premier bilan, nous estimons que les discussions menées, la mise en débat de problèmes importants pour le devenir de notre pays justifiaient largement notre participation au Dialogue national. Et ceci, en dépit du fait que des questions essentielles demeurent irrésolues tandis que le pouvoir persiste dans son refus de respecter les libertés inscrites dans la Constitution et dans sa logique de judiciarisation de ses différends avec l’opposition comme en atteste l’emprisonnement arbitraire du Président Moustapha Diakhaté.

Pourtant, à la fin de la cérémonie de clôture du Dialogue, nous avions lancé un appel à l’apaisement au Président de la République, nous fondant sur sa propre déclaration, lors de la séance solennelle d’ouverture du Dialogue. Ne disait-il pas : « Mon rôle, en tant que garant de l’unité nationale, est de tendre la main à toutes et à tous, pour rassurer, rassembler, apaiser et réconcilier afin de conforter la paix et la stabilité indispensables au développement économique de notre pays » ? Que vaut ce discours confronté à la réalité des faits ?

Mesdames et Messieurs les journalistes,

Les données figurant dans les rapports provisoires disponibles, révèlent que les commissions « Processus électoral » et « Réformes institutionnelles et organes de gestion des élections » ont enregistré d’importants accords de principe dont les modalités d’application ne sont toutefois pas encore précisées mais aussi des divergences nettes sur des questions sensibles.

La commission « Démocratie, Libertés et Droits humains » a, pour l’essentiel, abouti à un constat d’échec avec un long relevé de divergences non surmontées.

Concernant la Commission Processus électoral, la question essentielle portait sur la modification du mode de scrutin aux élections législatives et territoriales ; les autres questions ayant été déjà débattues dans des dialogues antérieurs, avec des accords qui ne nécessitaient, pour la plupart, que des études complémentaires pour leur faisabilité.

L’opposition a estimé qu’il était venu le moment de modifier le mode d’élection des députés et autres élus territoriaux de telle manière que la composition de l’Assemblée nationale et celle des collectivités territoriales corresponde davantage au vote des citoyens.

Comment, en effet, peut-on avoir 54% des voix aux élections législatives et obtenir plus de 80% des députés ? Comment comprendre qu’un groupe parlementaire puisse s’octroyer des postes indus dans les bureaux et les commissions, alors que la loi est précise sur ce point ? Comment peut-on perdre d’une voix une collectivité territoriale aux élections municipales ou départementales et se retrouver sans aucun membre de bureau ni diriger une commission ?!

Concernant les réformes institutionnelles, nous avons eu le sentiment d’une meilleure écoute et avons obtenu quelques accords de principe. Cependant, nous pensons que c’était le moment de procéder, très clairement, au bilan des organes de gestion des élections et de faire progresser, de nouveau, notre démocratie. L’essentiel étant, non pas de nous entendre sur le nom d’une structure, mais plutôt de définir, avec précision, ses tâches et de montrer en quoi elle va rendre les élections davantage transparentes, en empêchant notamment toute
immixtion de l’Exécutif national dans le processus électoral.

Pour ce qui est de la commission Démocratie, libertés et droits humains, l’accord de principe sur la rationalisation des partis, qui
était déjà acquis lors des dialogues antérieurs, impose de travailler à l’élaboration d’une loi générale, conforme à la constitution, qui préciserait les conditions de création d’un parti,
d’une coalition, les droits et les devoirs des partis, ceux de l’opposition en particulier, tant au niveau national que territorial.

Cette loi porterait aussi sur le financement des partis politiques et des campagnes électorales, financements qui seront plafonnés et partiellement ou totalement remboursés en fonction de certains critères. Cette loi traiterait aussi du chef de l’opposition relativement à ses droits et devoirs.

Cette loi générale- qui doit être discutée avant d’être écrite- est acceptée dans son principe par les parties prenantes au Dialogue sauf pour ce qui est du statut du chef de l’opposition.

Tout le monde constate évidemment qu’il s’agit-là d’un accord bien fragile.

Concernant la rationalisation du calendrier républicain, elle relevait déjà d’un accord antérieur. En voulant revenir sur cet
accord, par le couplage des élections législatives et présidentielles, la majorité risque de créer un précédent dangereux précisément parce que le code électoral de 1992 repose sur l’impératif de s’accorder sur les modalités de cette indispensable rationalisation.

Ni sur le statut de l’opposition et de son chef, prévu par la Constitution et produit d’un accord antérieur, ni sur la nécessité de confier exclusivement au juge la déchéance électorale, pas plus que sur le cumul des mandats de Directeur général d’une société parapublique ou de l’administration de l’État et de Maire ou Président de Conseil départemental, il n’y a eu accord.

Des divergences profondes ont également subsisté concernant l’exercice des libertés.

Paradoxalement, le PASTEF s’est opposé
aux propositions que lui-même défendait dans l’opposition, en particulier concernant la suppression ou l’encadrement des articles liberticides du Code pénal, notamment les articles 80 et suivants, et l’encadrement de certains articles du Code pénal (articles 254 et 265) ou du Code de Procédure pénale (article 139).

L’instauration d’un système de contrôle permettant de rendre effectif l’exercice des libertés publiques, par un encadrement des décisions de l’autorité administrative, n’a pas non plus été acceptée par la majorité. Même l’application du droit de manifestation dans toutes les communes du pays, sans
exception, a été refusée par le parti au pouvoir qui, dans ce domaine comme dans d’autres, s’est complètement renié !

Le même sort a été réservé au point relatif aux instruments de renforcement de la démocratie participative tout comme à celui concernant la protection de la société civile et des professionnels des médias.

Au total, le résultat des discussions, qui demeure, à ce stade ambivalent, fonde l’absolue nécessité de la mise sur pied, par le
Président de la République, d’un Comité inclusif de suivi comprenant les principaux acteurs du Dialogue. Sa mission serait d’une part de définir consensuellement les modalités de mise en œuvre des accords de principe obtenus et, d’autre part, de poursuivre les discussions sur les points de divergence.

C’est pourquoi nous invitons le Président de la République, que nous saisirons prochainement par voie épistolaire sur cette problématique et sur d’autres, à se conformer à son engagement de mettre en œuvre uniquement les points de
consensus. Nous le disons sans équivoque : toute prise de décision unilatérale serait contraire à l’esprit de nos récentes assises et équivaudrait, pour nous, à la caducité de toutes les conclusions du dialogue national sur le système politique.

Fait à Dakar, le 18 Juin 2025
L’OPPOSITION PRESENTE AU DIALOGUE NATIONAL

 

Senegal7

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