« Suivre le Guide, c’est suivre l’Imam » : ce slogan répandu en Iran illustre le pouvoir considérable et quasi absolu détenu par l’ayatollah Ali Khamenei, à la tête du pays depuis 1989. Mais la guerre désormais ouverte avec Israël pourrait le faire vaciller. Dans un entretien sur Fox News dimanche 15 juin, le Premier ministre israélien Benyamin Netanyahou a ainsi assuré que tuer le leader iranien « mettra fin au conflit », laissant entendre qu’un changement de régime pourrait être un des objectifs des frappes israéliennes. « Cela pourrait certainement être le résultat, compte tenu de la faiblesse du régime iranien », a-t-il dit, ajoutant que « 80% de la population » iranienne était opposée au pouvoir actuel. Mardi 17 juin, c’est Donald Trump qui appelait à la reddition de l’Iran, assurant que les États-Unis pouvaient aisément tuer le guide suprême iranien. Les États-Unis « savent exactement où se cache le soi-disant ‘guide suprême' » iranien, l’ayatollah Khamenei mais ne comptent pas « l’éliminer (le tuer !), du moins pour le moment », a-t-il ajouté sur son réseau social Truth.
Même si la majorité des Iraniens n’ont jamais connu que Khamenei (à la tête du pays depuis la mort du leader de la révolution islamique de 1979, l’ayatollah Ruhollah Khomeini), en plus de 35 ans de règne, le guide suprême iranien, aujourd’hui âgé de 86 ans, a surmonté par la répression plusieurs mouvements de protestation. Le dernier, le mouvement Femme Vie Liberté, a ébranlé en 2022-2023 les fondations religieuses de la République islamique, avant d’être maté au prix de plusieurs centaines de morts et de milliers d’arrestations, selon des ONG. Depuis sa prise de fonction, il n’a jamais quitté l’Iran – sa dernière visite à l’étranger était en Corée du Nord en 1989, alors qu’il était président – et ses déplacements sont secrets et extrêmement sécurisés.
Forte personnalité et charisme
Mais comment Ali Khamenei, voué par beaucoup d’observateurs à ne tenir qu’un rôle de figuration après la mort de l’imam Khomeini, a-t-il pu devenir le véritable homme fort de l’Iran ? Père de six enfants, il est né dans une famille de religieux d’origine azerbaïdjanaise installée à Machhad, principale ville sainte chiite iranienne, au nord-est du pays. Militant et acteur important de la lutte contre le régime impérial, sa fidélité inconditionnelle à l’action politique de l’imam Khomeini lui vaut de faire plusieurs brefs séjours en prison dans les années 60 et 70. En 1977, il est condamné à l’exil au Sistan-Baloutchistan (sud-est de l’Iran) pour avoir tenté de créer une organisation nationale du clergé. Revenu à Téhéran, où il devient imam d’une mosquée de la capitale, il se fait connaître par ses discours flamboyants prononcés à Hosseinieh-Erchad, dans le nord de Téhéran, principal centre de rassemblement des opposants islamiques au régime du Chah.
Ali Khamenei va avoir une ascension très rapide après la victoire de la révolution en 1979. Il entre au « Conseil de la révolution islamique » et fonde, avec d’autres religieux, le Parti de la république islamique (PRI, dissous en 1988), dont il rédige la charte. En août 1979, il devient vice-ministre de la Défense et par la suite représentant de l’imam Khomeini à l’important Conseil supérieur de la défense iranien. Nommé ensuite par Khomeini « imam permanent » de la prière du vendredi à Téhéran en janvier 1980, il jouit d’un grand prestige parmi les membres du clergé chiite ainsi que chez les intellectuels islamiques. Maîtrisant le persan, éloquent et fin lettré, Khamenei connaît l’art de communiquer et sait séduire ses auditeurs grâce à un discours passionné et pratiquement toujours improvisé.
Ali Khamenei participe activement au coup de force qui aboutit début 1981 à l’éviction du premier président de la République islamique Abolhassan Bani-Sadr. Le 27 juin 1981, les Moudjahidines du peuple, mis hors-la-loi après la chute de Bani-Sadr, organisent contre lui un attentat au magnétophone piégé dans une mosquée à Téhéran : il y survit, perd l’usage de l’avant-bras droit, mais gagne le surnom de « martyr vivant ». Pendant les huit années qu’il passera à la magistrature suprême, de 1981 à 1989, le président Khamenei va montrer ses capacités militaires dans la guerre contre l’Irak (1980-88). Il se révèle également un fin connaisseur des milieux religieux chiites, sachant subtilement louvoyer entre les différentes factions du clergé.
Respecté par les siens pour sa forte personnalité et son charisme, Ali Khamenei devient très vite l’une des étoiles montantes du régime. Dès l’apparition des premiers signes de défaillance physique chez l’imam Khomeini, il s’engage dans la « guerre de succession » aux côtés du fils de l’imam. Leur « alliance sacrée » permet d’éliminer le successeur désigné de l’imam, l’ayatollah Hossein-Ali Montazéri, quelques semaines avant la mort de Khomeini, le 4 juin 1989, auquel il succèdera finalement.
Avec TF1
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