Un litige économique aux ramifications internationales secoue le tribunal de commerce de Dakar, opposant la société française Greentech SA à sa propre filiale sénégalaise et à sa présidente, l’entrepreneure franco-sénégalaise Hapsatou Sy.
L’affaire remonte à 2021, lorsque Hapsatou Sy, figures médiatique et entrepreneuse controversée, initie un partenariat avec Jean-Yves Berthon, administrateur de Greentech SA, spécialisée dans les matières premières cosmétiques, pharmaceutiques et agroalimentaires. Ce rapprochement débouche le 24 juin 2022 sur la création de Greentech Sénégal SA, une filiale détenue à 72% par la maison-mère française, Hapsatou Sy conservant 24% du capital et la présidence de la structure.
La mission était ambitieuse : piloter le développement des activités de l’entreprise dans la sous-région ouest-africaine. Lors de l’inauguration en janvier 2024, Hapsatou Sy promettait un chiffre d’affaires de 10 milliards de FCFA pour la première année et des milliers d’emplois.
Des investissements conséquents, des résultats inexistants
Selon les informations révélées par le journal Libération et confirmées par l’assignation en justice, la société française affirme avoir investi massivement dans le projet sénégalais. Les montants sont considérables :
- 1,72 million d’euros (environ 1,13 milliard de francs CFA) pour permettre à la filiale de démarrer ses activités
- 353 000 euros supplémentaires (environ 231,5 millions de francs CFA) versés directement à Hapsatou Sy pour couvrir l’acquisition du terrain à Diamniadio et les études architecturales
Ces fonds étaient destinés à l’installation d’une structure administrative, l’achat de matières premières, l’acquisition d’un terrain pour construire une usine, ainsi qu’à des études de marché et formations professionnelles.
Les graves accusations de la maison-mère
Aujourd’hui, Greentech SA dénonce un « manque total de transparence » dans la gestion de sa filiale et formule des accusations particulièrement lourdes :
- Absence totale de comptabilité : « Les comptes n’ont jamais été présentés » malgré de multiples relances
- Opacité financière : impossibilité de vérifier l’utilisation des sommes investies
- Projet fantôme : l’usine promise n’a jamais vu le jour
- Terrain non acquis : un document officiel du 7 janvier 2025 révèle que le terrain censé abriter le projet appartient toujours à l’État sénégalais
Plus troublant encore, toutes les activités de Greentech Sénégal SA sont aujourd’hui à l’arrêt, laissant dans l’incertitude les dizaines d’employés recrutés.
Une procédure judiciaire en cours
Face à cette situation, la maison-mère française a saisi la justice sénégalaise. L’affaire a été évoquée pour la première fois le 2 juin 2025 au tribunal de commerce de Dakar et a été renvoyée au 23 juin prochain. Greentech SA sollicite la nomination d’un expert judiciaire pour :
- Évaluer la situation financière réelle de Greentech Sénégal SA
- Vérifier la concordance entre les sommes investies et les dépenses effectivement engagées
- Faire toute la lumière sur la gestion de la filiale
La défense d’Hapsatou Sy : contre-attaque et accusations
Pour sa part, Hapsatou Sy rejette en bloc les accusations portées contre elle. Elle retourne les accusations contre Jean-Yves Berthon, qu’elle accuse d’avoir « coulé le projet » et « abandonné de jeunes travailleurs sénégalais » en pleine mission.
Cette nouvelle affaire judiciaire s’ajoute à un parcours entrepreneurial déjà jalonné de controverses pour l’ancienne chroniqueuse de télévision, qui a récemment surmonté une grave crise personnelle après avoir été placée en faillite personnelle par le tribunal de commerce de Nanterre.
Un passé judiciaire mouvementé
Cette affaire Greentech s’inscrit dans un contexte plus large de difficultés judiciaires pour Hapsatou Sy. En février 2024, elle avait été déclarée en faillite personnelle par le tribunal de commerce de Nanterre pour « graves fautes de gestion », avec une interdiction de gérer une entreprise pendant 10 ans et un passif estimé à 600 000 euros.
Bien que la Cour d’appel de Versailles ait suspendu provisoirement cette décision en août 2024, son parcours entrepreneurial reste marqué par plusieurs liquidations judiciaires, notamment celle de son réseau Ethnicia en 2013.
Les prochaines étapes
Le tribunal de commerce de Dakar doit se prononcer le 23 juin prochain sur les demandes de Greentech SA. Cette décision pourrait faire jurisprudence pour les futurs partenariats économiques entre la France et le Sénégal.
En attendant, les employés de Greentech Sénégal restent dans l’incertitude, certains déclarant être privés de salaire depuis janvier 2024, selon les informations rapportées par Sud Quotidien.
Cette affaire illustre les défis complexes des investissements transfrontaliers et souligne l’importance d’une gouvernance transparente dans les partenariats économiques internationaux.
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