Lorsqu’on regarde la production offensive des joueurs repêchés depuis 2016, les Tigres dominent avec un total de 820 points, loin devant Chicoutimi, Rouyn-Noranda, Baie-Comeau et Gatineau. Le club de Blainville-Boisbriand, l’Armada, arrivait bon dernier avec 240 points en date du 11 octobre dernier.
Le cas de la ville de 49 750 habitants a quelque chose d’unique en ce sens qu’elle a attiré à peu près seulement des Russes: Egor Goryunov, Mikhail Abramov, Ivan Kosorenkov, Nikita Prishchepov et Egor Serdyuk notamment.
Deux petits nouveaux, et pas les moindres, Egor Shilov et Alexei Vlasov, en sont d’ailleurs à leurs débuts cette année. On y reviendra un peu plus loin.
Depuis 2016
Le directeur général du club des Bois-Francs, Kevin Cloutier, est le grand responsable de cette filière russe. Il en est à sa 10e saison à la tête du département de hockey des Tigres, après un premier séjour comme recruteur sous l’ère Jérome Mésonéro, devenu recruteur de l’Avalanche du Colorado dans la LNH en 2014 après neuf saisons comme DG.
Comme son prédécesseur, le grand patron des Tigres s’investit à fond dans le dossier européen.
«C’est ultra-important, je crois à ça à 100 %, insiste Cloutier. Jérôme mettait beaucoup d’énergie là -dessus, il prenait ça à cœur. Ç’a donné de belles histoires: Morten Madsen et Tomas Kubalik, par exemple.»
C’est la faute à … Éric Veilleux!

À la différence que, sous l’ère Mésonéro, les Européens étaient souvent Tchèques ou Slovaques. Les choses ont changé, en 2016, lors de la sélection d’Ivan Kosorenkov (au 24e rang) et Vlad Utkin (84e), l’année de la percée russe.
Dire que Kevin Cloutier y est pour rien! «C’est Éric Veilleux [l’actuel entraîneur-chef des Remparts], qui, lors de ses quelques semaines comme DG des Tigres [il a quitté pour San Antonio dans la Ligue américaine durant l’été], a repêché Ivan Kosorenkov», sourit l’homme de 50 ans.
La magie Abracadramov a fait son œuvre

Utkin n’a jamais joué à Victoriaville, mais Kosorenkov a jeté les bases d’une belle tradition. Un an plus tard, les Tigres faisaient l’acquisition de Vitalii Abramov des Olympiques de Gatineau, un autre Russe dont la production offensive chez les Tigres (78 points en 40 parties) est attribuée aux Olympiques selon la méthodologie expliquée ci-haut.
Le directeur général des Tigres a dû se faire persuasif pour faire lever la clause de non-échange que possédait Abramov à Gatineau. Après une bonne rencontre au Défi mondial des moins de 17 ans, le clan Abramov, dont son agent Mark Gandler, a accepté la transaction à Victoriaville.
Le trio formé par Vitalii Abramov, Ivan Kosorenkov et Maxime Comtois a été une véritable locomotive. Misérable en date du 17 novembre 2017 (15e sur 18), le club de Victoriaville a terminé au 6e rang du circuit Courteau.
Les Tigres se sont finalement inclinés en demi-finale contre les futurs champions, le Titan d’Acadie-Bathurst en séries. «On a une belle relation depuis ce temps-là », de dire Cloutier au sujet de Mark Gandler, l’agent d’Aleksander Barkov, Ivan Provorov, Pavel Buchnevich et plusieurs Européens de la LNH.
Les agents séduits
Quelques semaines plus tard, Victoriaville se tournait vers deux autres Russes lors du repêchage de la Ligue canadienne de hockey, Egor Serdyuk (37e rang) et Mikhail Abramov (97e), tous deux repêchés dans la Ligue nationale de hockey par la suite.

Réclamé par les Maple Leafs de Toronto, Abramov était le capitaine des Tigres lors de la conquête de la Coupe du Président en 2021, une heureuse tournure de la situation européenne qui a servi la cause des Tigres.
«Les agents regardent ça: ils nous demandent si nos gars sont repêchés, s’ils signent dans les rangs professionnels. C’est majeur pour eux, ils veulent des résultats et nos gars ont tous eu des opportunités quelque part», se réjouit Kevin Cloutier.
Dans un passé encore plus récent, Nikita Prishchepov a porté les couleurs des Tigres pendant trois ans (2021 à 2024). Le natif d’Orenburg en Russie a mis du temps avant de se mettre en marche, mais, trois ans plus tard, il jouait des parties (10) avec l’Avalanche du Colorado dans la LNH!
«Il a inscrit son premier but à son 12e match à Chicoutimi, c’était en tombant, je peux te dire que ce n’était pas un beau but! rigole Kevin Cloutier. Maintenant, c’est un ambassadeur pour les Tigres de Victoriaville.»
Ça se poursuit
Le cas d’Egor Goryunov, qui a signé un contrat avec le Rocket de Laval durant l’été après un passage à Charlottetown et Blainville-Boisbriand, est une autre belle carte de visite russe pour la ville du maire sortant, Antoine Tardif.
Comme Goryunov vient de se fiancer avec une Canadienne, sa vie pourrait être à jamais liée au Canada. «Chaque fois qu’il en a la chance, Mikhail Abramov revient voir son ancienne pension à Victoriaville, Vitalii Abramov prend de nos nouvelles régulièrement. Les gars ont apprécié leur séjour chez nous», ajoute Kevin Cloutier.
Tout pour faire tomber les préjugés associés aux joueurs russes, qui n’ont pas toujours eu la cote aux yeux des recruteurs et du grand public.
«On pense souvent qu’ils n’ont pas d’émotions, mais, chez nous, les gars ont été vraiment plaisants à côtoyer», assure le DG.
Le retrait des Russes et Biélorusses au repêchage international de la LCH en 2022 et 2023 — pour des raisons politiques évidentes — a freiné la lancée des Tigres, mais Kevin Cloutier a pigé à nouveau dans le pays de Vladimir Poutine cette année.
Shilov et Vlasov impressionnent

Les Tigres ont eu la main heureuse: les deux jeunes hommes sont déjà parmi les meilleurs pointeurs de la LHJMQ et Egor Shilov s’impose déjà comme l’un des meilleurs espoirs du circuit Cecchini en vue du prochain repêchage de la LNH.
Le jeune homme poursuit la tradition des dernières années dans les Bois-Francs. Souriant, le jeune homme fait montre d’une aisance désarmante pour un jeune de 17 ans.
«Je comprends maintenant pourquoi les gars ont apprécié, lance celui qui a chaussé sa première paire de patins à l’âge de 3 ans. Ce qui est bien, c’est qu’on peut parler en russe sans que les joueurs adverses puissent nous comprendre. Ça aide un peu!»
Après deux ans passés chez les Saguenéens à Chicoutimi, l’attaquant d’origine kazakh, Korney Korneyev, est bien heureux de renouer avec le talent russe, lui qui a passé quelques saisons avec les clubs juniors de l’Avangard Omsk.
«Ils sont tellement intelligents. C’est du beau hockey, très créatif, du jeu excitant basé sur les habiletés et les passes.»
—  Korney Korneyev sur ses coéquipiers russes
Kevin Cloutier rejette du revers de la main que la théorie selon laquelle la limite rehaussée du nombre d’Européens par équipe nuirait au développement du hockey au Québec.
C’est même le contraire, insiste le grand patron du club junior de Victoriaville!
«Un, ça améliore ton équipe et deux, ça donne de la visibilité à nos Québécois. Un gars comme Shilov, cette année, va donner de la visibilité à bien des gars dans l’équipe. C’est même bon pour les joueurs d’ici!»
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