Le titre, impératif: Un Canada fort. Avec un déficit prévu de 78,3 milliards de dollars, et la ferme intention de sabrer dans les coûts de sa fonction publique (60 milliards en cinq ans).
Aucun doute, on a changé d’ère. Après 10 années à bichonner les ménages et à laisser grossir sa machine, le fédéral se tourne désormais vers de nouvelles priorités. Entre autres, il veut inciter les entreprises à investir dans leur productivité à l’aide de superdéductions fiscales, accroître substantiellement ses dépenses militaires, injecter de l’argent dans les infrastructures et soutenir les industries exportatrices affectées par les barrières commerciales.
À moins d’être un fonctionnaire du gouvernement fédéral, le budget ne contient aucune nouveauté significative qui se répercutera sur le portefeuille des particuliers. Et c’est sans doute ça, la nouvelle: tous les grands programmes sociofiscaux chéris des Canadiens sortent intacts: de l’Allocation canadienne pour enfant au programme de la Sécurité de la vieillesse, en passant par le Régime canadien de soins dentaires.
Un gros cadeau figure néanmoins au budget, mais les contribuables en profitent déjà depuis juillet: la baisse du taux d’imposition de 15 % à 14 % sur le premier palier, qui permet à un travailleur de garder jusqu’à 420 $ par année dans ses poches.
L’idée d’augmenter la TPS avait été évoquée ces dernières semaines par des experts, mais rien de pareil n’a fait son chemin jusque dans le budget.
Pour ce qui est des mesures pour favoriser l’accès au logement, pas de surprise là non plus. Le gouvernement réitère le congé de TPS pour les premiers acheteurs sur les maisons d’une valeur d’un million de dollars ou moins, et la mise en place imminente de l’agence Maison Canada, chargée de faire construire des logements abordables.
Rien de nouveau, vraiment? Si. Des petites mesures. Par exemple, Ottawa annonce qu’il serra la vis aux banques de juridiction fédérale qui facturent des frais de guichet et de virement Interac trop élevés, comme il l’a déjà fait avec les sociétés de télécommunication.Â
C’est mineur, mais on n’est pas contre.
Comme on n’est pas contre l’intention du gouvernement de modifier la Loi sur les banques pour faire passer de 100 $ à 150 $ les sommes immédiatement disponibles sur un chèque qui vient d’être déposé. La clientèle ciblée saura apprécier. Il veut aussi adopter un règlement pour réduire le nombre de jours durant lesquels une banque peut conserver les fonds déposés par chèque.
Le budget fait aussi mention d’un Code de conduite pour la prévention de l‘exploitation financière. Ce code viserait encore les institutions financières qui devront formuler et mettre en place des méthodes capables de détecter et d’éviter l’exploitation financière, notamment des personnes âgées.
Le budget énumère diverses mesures à venir pour favoriser la concurrence dans l’industrie des services financiers. Par exemple, il veut interdire l’imposition de frais de transfert de comptes de placement et de comptes enregistrés et simplifier le processus de transfert de comptes chèques principaux d’une institution financière à une autre.
Le régime de retraite des fonctionnaires
Le cas des fonctionnaires fédéraux offre beaucoup plus à dire. Ils feront en bonne partie les frais de mesures d’économie prévue de 60 milliards de dollars. Quand ils ne se verront pas montrer la porte, ils sont promis à une certaine érosion de leurs avantages sociaux.
Ils seront néanmoins ravis d’apprendre qu’ils cotiseront chaque année 1100 $ de moins, en moyenne, à leur régime de retraite. La part de leur employeur baissera également. Comment ça?
Le régime de la fonction publique est arrimé sur le Régime de rentes du Québec (RRQ) et le Régime de pension du Canada (RPC). Comme ces derniers ont été améliorés avec la mise en place du volet supplémentaire, Ottawa peut réduire le fonds de pension de ses employés, sans affecter leurs revenus de retraite totaux.
Les agences et les services qui relèvent du gouvernement seront plus ou moins réduits de 15 %. La façon d’y arriver est vaguement expliquée dans le document budgétaire: réorientation de certains programmes, recours à l’intelligence artificielle et éliminations des redondances.Â
Reste à voir comment tout ça sera exécuté.
Comme tous les objectifs contenus dans le budget, d’ailleurs.
Faire avaler un gros déficit
À 78,3 milliards de dollars, le déficit prévu se situe au bas de la fourchette des prévisions émises par les économistes et spécialistes des finances publiques. Le chiffre astronomique de 100 milliards a circulé durant des mois, et Philippe-François Champagne a eu la bonne idée de laisser circuler la rumeur.
Il a pu ainsi laisser s’imprimer ce chiffre dans l’esprit des gens.
Le Canada présente un budget lourdement déficitaire, et pour plusieurs années, mais on doit saluer l’habileté du gouvernement fédéral à faire avaler la pilule.
D’abord, le biais d’ancrage auquel j’ai fait référence plus haut: on s’attendait à pire. Et cette nouvelle distinction, pas des plus limpides, entre «dépenses d’opération» et «dépenses d’investissement». Puis le rappel des défis extraordinaires auxquels fait face le pays.
Enfin, plusieurs pages du budget ont été dédiées à la comparaison flatteuse entre la situation financière du Canada et celles des autres pays du G7. Et la fameuse cote AAA, dont le Canada est le seul à pouvoir revendiquer dans le groupe avec l’Allemagne.
On en oublie presque qu’on doit consacrer cette année 55 milliards au service de la dette, toujours en croissance.
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