2:28 pm - 20 juin, 2025

Au moment où la confiance du maire de Lévis est «à zéro» envers le gouvernement Legault, son homologue de Québec demande quant à lui à la ministre des Transports de lui fournir plus d’informations pour pouvoir se prononcer.

«Notre position n’a pas changé. Il y a 10 grandes questions auxquelles on a besoin de réponses avant de prendre position», a tranché Bruno Marchand dans une première réaction à chaud, quelques heures à peine après le dévoilement du corridor retenu pour le futur troisième lien par le gouvernement Legault.

Dans un point de presse tenu sur le boulevard Pierre-Bertrand, non loin de là où pourrait aboutir un éventuel pont-tunnel, le maire de Québec s’est interrogé sur les effets sur la fluidité de la circulation d’un nouveau lien interrives.

«Nos estimations sommaires à l’interne nous disent qu’il pourrait y avoir un déversement de 5000 à 8000 voitures de plus entre 6 h et 9 h le matin. Quand la ministre dit: “c’est sûr que les gens gagnent du temps”, j’aimerais ça que les chiffres parlent», a-t-il réclamé.

Impacts du bruit, de la construction et de l’insertion sur les quartiers Sillery, Saint-Sauveur et Vanier, effets sur le parc industriel Saint-Malo, sur le Port de Québec, la promenade Samuel-De Champlain, sur l’environnement et la bonification du transport sont autant de questions pour lesquelles il n’a pas non plus de réponse.

«En 2025, ça nous semble complètement caduc de construire de nouveaux axes sans penser au transport collectif et actif», a-t-il insisté, réclamant une fois de plus une «vision globale» de la mobilité avec l’arrivée d’un troisième lien dans la région.

Sans en faire des «conditions» à son appui, le maire Marchand plaide que «tant qu’on ne sera pas capable d’avoir de réponses à ces questions fondamentales, on ne peut pas dire oui».

Sans consultation

Si toutes ces interrogations persistent, c’est parce que Québec et Lévis n’ont pas été consultées, ont déploré les deux maires, chacun sur leur rive, à quelques heures d’intervalle.

Alors que la ministre des Transports Geneviève Guilbault avait affirmé quelques heures plus tôt que les municipalités avaient été mises dans le coup, le maire de Québec a réfuté cette affirmation d’entrée de jeu.

Seules deux rencontres ont été tenues — jamais sur l’unique corridor retenu — avec des fonctionnaires du ministère et trois fonctionnaires municipaux, lesquels ont été «forcés de signer» une entente de non-divulgation.

L’administration Marchand n’a été informée que mercredi soir, lors d’«un entretien téléphonique de dix minutes», quelle option était privilégiée par la CAQ.

«Je ne pense pas que le gouvernement peut faire ça seul. S’il fait ça seul, il va se planter. Il a besoin de réaliser qu’il doit travailler avec nous autres.»

—  Bruno Marchand, maire de Québec

«Pour nous, la suite doit se faire avec la Ville de Québec. C’est impossible de construire un projet comme celui-là sans consulter la Ville», a-t-il défendu.

Tout comme lui, le maire Gilles Lehouillier s’est dit déçu de ne pas avoir été consulté par le ministère des Transports jusqu’à maintenant. Il exige une meilleure collaboration pour la suite et s’attend à être consulté avant l’annonce du tracé final à l’automne.

Malgré tout, ce dernier maintient son appui au corridor choisi, à mi-chemin entre les centres-villes et les ponts existants. «On dit oui, mais attention: il y a des conditions. Il va falloir qu’on soit associés de très près.»

«Étant donné que la confiance est à son plus bas, on va être chien de garde, on va suivre la situation de très près.»

—  Gilles Lehouiller, maire de Lévis

Gilles Lehouillier voit du bon dans le corridor central choisi pour le troisième lien et annoncé jeudi matin. Mais, il met en garde le gouvernement et craint que François Legault «n’hésitera pas à tirer la plogue».

Le maire de Lévis a la «conviction profonde» que ce sont les députés de Lévis et Chaudière-Appalaches qui portent le projet à bout de bras, et que le premier ministre ne va de l’avant que parce qu’il a «le couteau sur la gorge».

Les banlieues «déçues» et sceptiques

Les nombreuses régions rassemblées sous la Coalition de l’Est militent toujours pour un troisième lien à l’est. Le corridor choisi ne correspond aucunement à leur demande. «Si c’est le troisième lien, on va tout de se suite travailler pour un quatrième», lance avec une pointe d’ironie Pierre Lefrançois, maire de L’Ange-Gardien et préfet de la MRC de Côte-de-Beaupré.

Les élus locaux et représentants des gens d’affaires déplorent de ne pas avoir été écoutés par le gouvernement Legault, même après avoir créé la Coalition pour demander un lien à l’est. «On ne sent véritablement pas de sensibilité du gouvernement à l’égard des régions», laisse tomber Alain Vallières, directeur général de Développement économique Bellechasse.

«On était les seuls alliés du gouvernement, et ils nous ont jamais consultés.»

—  Alain Vallières, directeur général de Développement économique Bellechasse

Même son de cloche de la part de la Chambre de commerce de Lévis. La PDG Marie-Josée Morency peine à garder son optimisme après tant de tergiversations et si peu de consultations de la part de Geneviève Guilbeault. «On a été obligés de prendre un respire ce matin», avoue-t-elle.

Les 1200 entreprises qu’elle représente auraient préféré un lien à l’est, mais il faut se rallier au gouvernement, concède Mme Morency. «À un moment donné, il faut faire confiance», dit-elle, s’avouant «échaudée» par les multiples revirements de capots de la CAQ.

«Un autre ballon électoral»

Conseiller dans l’opposition à Lévis, Serge Bonin s’avoue déçu sur toute la ligne. Déjà, le corridor proposé doit traverser le terrain de la raffinerie Valéro, un défi de sécurité.

Le conseiller municipal aurait préféré lui aussi un lien à l’est, plus intéressant pour les Lévisiens.

«On s’en va sur le boulevard Hamel à Québec. Qui à Lévis a envie d’aller là le matin? On veut aller sur la colline parlementaire, on veut aller dans les centres-villes», craint Serge Bonin.

«Moi j’ai l’impression qu’on essaie un peu de nous faire un projet qui sera pas tout à fait réalisable, pour dire « regardez, on a essayé », pour finalement dire qu’on coupe le lien», ajoute Serge Bonin, avec un scepticisme avoué.

CE QU’ILS ONT DIT:

«Tout le monde est perdant dans le projet présenté aujourd’hui! L’analyse de la CDPQ est claire: on va gaspiller plus de 10 milliards pour empirer les temps de déplacement. Et même si le projet ne se fait jamais, on aura englouti près de 100 millions dans des études et démarches qu’on sait inutiles. Dans le contexte fiscal actuel, c’est délirant!» Christian Savard, directeur général de Vivre en Ville

«Il y a un grand manque de respect envers la population de Québec et Lévis à voir le gouvernement fanfaronner qu’il veut réduire la congestion, alors qu’il a en main toutes les études qui lui montre qu’ajouter un nouveau pont autoroutier, ça va venir déplacer la congestion et empirer les temps de déplacement.» Angèle Pineau-Lemieux, porte-parole d’Accès transports viables

«C’est un nouveau tracé, un nouveau projet à étudier, éplucher. Ça ne fait aucun sens. Encore une fois un projet qui n’est pas bien réfléchi, ni bien détaillé. Je crois que le maire va attendre que le pont arrive dans le cap avant de déclarer que c’est un mauvais projet pour notre ville. Le maire n’est pas capable de mettre son poing sur la table pour défendre sa ville et dire non une fois pour toutes. On sent que le maire est encore tenu en laisse par la CAQ.» — Jackie Smith, cheffe de Transition Québec

«Plus le gouvernement avance dans son plan de marketing électoral, plus il se rend compte pourquoi les ponts sont situés là où ils sont situés pour une raison. Encore deux ou trois versions avant qu’il ne se rende à l’évidence et qu’il agisse pour améliorer concrètement et rapidement la mobilité interrives de façon durable.» Marc-André Viau, directeur des relations gouvernementales d’Équiterre

«Le gouvernement a clairement décidé de se cacher les yeux et d’ignorer toutes les solutions crédibles pour améliorer la mobilité Québec-Lévis: des voies dynamiques sur le pont Pierre-Laporte, un entretien adéquat et un abaissement du tablier du pont de Québec ou l’implantation d’un lien structurant de transport en commun sur Guillaume-Couture, qui traverserait vers la Rive-Nord par les ponts existants. Toutes ces options offrent potentiellement une réelle amélioration des temps de parcours, mais la ministre choisit volontairement de les ignorer pour la lubie électoraliste d’un pont autoroutier.» Philippe Jacques, co-directeur général de Trajectoire Québec

«Une chance que le ridicule ne tue pas car on atteint vraiment des sommets! Imaginez, construire une entrée de tunnel dans le cap, à proximité de la marina Sillery et de la plage fraîchement construite à grands frais, en défigurant la promenade Samuel-de-Champlain dont la population est si fière. Puis, construire des bouches d’aération pour le tunnel dans les quartiers résidentiels de Sainte-Foy ou Saint-Sacrement ou dans le parc du Bois-de-Coulonge. C’est tout simplement fou et délirant!» Alexandre Turgeon, directeur général du Conseil régional de l’environnement de la Capitale-Nationale

«C’est un bluff électoral de plus, la CAQ cherche des manières de gagner du temps pour faire une troisième campagne sur le dos du 3e lien.» Étienne Grandmont, député de Québec Solidaire

«Pour les gens du côté est, c’est beaucoup de déception. Il doit y avoir une question de budget et de faisabilité, mais je ne peux qu’être déçu pour les citoyens que je représente. Le périphérique était fondamental, on ne l’a pas. Au moins, il va y avoir un troisième lien, depuis le temps qu’on en parle, il y a beaucoup de sceptiques.» — Stevens Mélançon, chef d’Équipe Priorité Québec

«En amont de la réalisation, nous allons travailler avec le gouvernement pour l’atterrissage du projet à Québec. Contrairement à l’administration actuelle, nous voulons être impliqués dans le projet dès notre élection.» — Sam Hamad, chef de Leadership Québec

«Ma position demeure la même, je m’engage à étudier le projet avec ouverture et bienveillance lorsqu’il y en aura un. La CAQ nous indique avoir choisi le corridor 2, mais on n’ignore encore à peu près tout du projet, tant en ce qui concerne les coûts, l’échéancier ou même le tracé. Il faudrait aussi que le gouvernement soit en mesure de démontrer que son projet n’accentuera pas la congestion à Québec.» — Claude Villeneuve, chef de l’opposition officielle (Québec d’abord)

«En 2026, les citoyens auront le choix entre trois partis qui sont contre le 3e lien, un gouvernement qui nous niaise, et le Parti conservateur qui défend depuis le début la volonté claire des gens de Québec: un troisième lien à l’est.» — Éric Duhaime, chef du Parti conservateur du Québec (PCQ)

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Le Soleil est un quotidien francophone de Québec. Fondé le 28 décembre 1896, il est publié en format compact depuis avril 2006.

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