Car au fond, il n’y a que ça qui compte vraiment!
Bien que j’adore le chocolat et que croquer dans une poule chocolatée est un incontournable ce weekend, je ne parle pas de l’explosion de saveurs que nos papilles peuvent goûter. Je parle ici de savourer le moment présent pour bien s’imprégner de tout ce qui nourrit notre âme.
À l’âge de 34 ans, j’ai fait un choc septique après avoir contracté une bactérie.
Être confrontée à l’amputation de mes quatre membres nécrosés par la maladie est une terrible épreuve. Néanmoins, l’expérience m’a laissé quelques bons enseignements, dont l’importance de vivre pleinement les moments de réjouissance afin d’en retirer toute l’énergie nécessaire pour affronter la suite. Â
J’étais encore hospitalisée à regarder mes plaies cicatriser lorsqu’une évidence m’avait frappée: après quatre durs et longs mois de guérison, il était hors de question qu’on m’envoie dans un centre de réadaptation avant d’avoir pu retourner à la maison. Habituellement, les personnes fraichement amputées sont directement prises en charge par un institut spécialisé aussitôt que les médecins autorisent le transfert. Mais mon conjoint et moi avions un autre plan en tête.
Viscéralement, je ressentais le besoin de me coller auprès de ceux pour qui je me suis battue pendant les plus pénibles heures de mon existence. Nos garçons, âgés de cinq et huit ans, mon amoureux et moi avions besoin de souffler un peu. Face à l’énormité surréelle de ce que nous avions à vivre, on devait accuser le choc, ensemble, avant d’entreprendre l’étape de l’appareillage et du retour graduel à l’autonomie.
Bien sûr, on a rencontré de la résistance provenant de certains membres de l’équipe de soins, mais on a tenu bon et j’ai finalement reçu mon congé grâce à l’écoute du chirurgien orthopédiste responsable de mon dossier.
La date du solstice d’été venait tout juste d’être dépassée au calendrier et ma petite famille et moi, on a pu passer toute la belle saison, réunies et tricotées serré plus que jamais.
Tout à coup, j’ai mesuré toute la beauté qui m’entoure. J’ai redécouvert ma ville et même ma maison avec un regard nouveau, remplie de reconnaissance. J’ai entendu les oiseaux piailler comme s’ils chantaient que pour moi. J’ai laissé aller mes pensées au bruissement des feuilles chatouillées par le vent. J’ai observé le ciel jusqu’à le photographier des centaines de fois avec mes yeux pour gaver mon esprit de ses images de liberté. J’ai fait gambader mes émotions au rythme des rires de mes enfants et de mon amoureux qui jouaient dans la piscine.
J’ai fait le plein de tout ce qui m’avait tant manqué au moment où j’étais clouée à mon lit.
Cette interruption dans le parcours acharné pour me relever s’est avérée avoir été la meilleure décision que l’on a prise. À mon arrivée au centre de réadaptation, j’avais eu le temps de profiter de mes trois sportifs pour ma remise en forme. J’avais surtout eu le temps de me refaire une bonne santé mentale et d’emmagasiner à coups de merveilleux souvenirs assez de force pour réapprendre à marcher, à manger, à m’habiller…
Aujourd’hui, c’est dimanche de Pâques et je compte bien en profiter pour savourer le moment présent avec mes proches et assurément pour manger du chocolat. Le Canadien s’en va en séries, le beau temps est à nos portes et on sent que les gens sont heureux, le cœur joyeux. Bien sûr, l’incertitude économique, le chaos lent qui semble s’installer et les défis qui attendent les générations de demain n’ont évidemment pas disparu. Dès la fin du congé, nos réalités reprendront leur chemin.
Or c’est justement pour cette raison qu’il faut savoir capter le beau pour braver le reste.
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