Nous sommes le 31 mai 2025, en plein après-midi, au cœur de Bamako. Sous un soleil de plomb, les automobilistes tentent de se frayer un chemin sur la route Nationale, au nord du fleuve Niger. Au cœur du trafic, un imposant convoi militaire composé de plusieurs dizaines de camions de transport est escorté par la police malienne. La scène est filmée et diffusée le lendemain, dans le journal du soir de la télévision nationale. À en croire la présentatrice de l’ORTM, « l’armée malienne viendrait de renforcer ses capacités opérationnelles à travers l’acquisition de nouveaux équipements ». La provenance de ce matériel n’est pas mentionnée dans le reportage.
Après sa livraison à Conakry, le Patria a rejoint l’enclave russe de Kaliningrad. Le Baltic Leader est, quant à lui, apparu en Méditerranée centrale, proche du port égyptien de Port-Saïd. Il a été survolé par un ATR P-72 de l’armée italienne. Cet avion est destiné à des missions de renseignement et de reconnaissance, particulièrement dans le domaine de la surveillance du trafic maritime.
Parmi les nombreux bateaux russes qui défilent dans le golfe de Guinée, plusieurs « ont été utilisés par l’armée russe depuis le début du conflit en Ukraine pour acheminer des armes depuis l’Iran, la Corée du Nord et la Syrie, vers la Russie », rappelle Lou Osborn, membre du collectif All Eyes On Wagner. « Ce dispositif de l’armée russe a été réorienté en partie sur l’Afrique, probablement pour pallier le déficit logistique causé par le changement brutal de régime en Syrie ».
Conakry, pierre angulaire du dispositif logistique russe
Ces deux cargos, battant pavillon russe, ne sont pas les premiers à acheminer du matériel militaire à Conakry. Le Siyanie Severa et l’Adler, deux autres navires russes sous sanctions occidentales, avaient suivi le même trajet quelques mois plus tôt. Il faut dire que le port de la capitale guinéenne offre plusieurs avantages non négligeables pour le Kremlin.
D’un point de vue géographique, Conakry est un point d’entrée parfait pour accéder au Sahel. Les navires russes peuvent rejoindre le port sans éveiller trop de soupçons, le tout dans un délai relativement réduit. Une fois déchargé, le matériel peut gagner le Mali en moins de deux jours par la route. Les autorités locales sont également peu regardantes sur les marchandises qui y transitent.
« C’est un pays qui est moins regardant en termes de surveillance comparée à d’autres endroits, comme la Côte d’Ivoire ou le Cameroun qui ne seraient pas forcément d’accord avec l’arrivée de deux bateaux sous sanctions acheminant des armes dans la région. La Russie a aussi mis un pied-à-terre en Guinée équatoriale et essaye de grignoter cette zone », explique Lou Osborn.
De Conakry à Bamako
Pour s’assurer que le convoi filmé à Bamako le 31 mai a bien traversé la Guinée, la rédaction de RFI à Dakar s’est procurée des images et des témoignages exclusifs. Plusieurs témoins affirment avoir observé cette colonne de véhicules militaires le mercredi 28 mai 2025, aux alentours de 18 h (heure locale), entre Kindia et Mamou, sur la route Nationale 1, à destination du Mali. Les photos transmises à RFI l’attestent.
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