7:23 am - 19 juin, 2025

Ces nouvelles restrictions budgétaires imposées aux centres de services scolaires ont été révélées plus tôt cette semaine par le Journal de Montréal. Et c’est pour éviter de dépasser les budgets prévus d’ici la fin juin 2026 qu’on impose des compressions de 510 millions aux centres de services scolaires.

Le plus insultant, c’est qu’au cabinet du ministre de l’Éducation, Bernard Drainville, on dit agir «de façon responsable». «On demande aux centres de services scolaires de faire des choix pour être plus efficaces, tout en maintenant les services directs aux élèves», affirme l’attaché de presse du ministre.

S’il y a des sommes aussi importantes dans le budget des centres de services scolaires qui ne vont pas aux services aux élèves, on a un problème. Le système public d’éducation – comme celui de la santé – est tellement bureaucratisé et intégré qu’on ne peut certainement pas penser sérieusement que le fait de retirer quelques centaines de milliers de dollars ici et là ne portera pas atteinte aux services directs qui sont offerts.

En demandant de faire des choix «tout en maintenant les services directs aux élèves», le cabinet du ministre semble vivre dans un monde de licornes.

Parce que dans les écoles, sur le terrain, la réalité est complètement différente. Il n’y a plus de gras à couper. Depuis 2018, les besoins dans le monde de l’éducation ont explosé. Il y a un plus grand nombre d’élèves par classe. Le nombre d’élèves en grande difficulté a augmenté. On fait face à une pénurie d’enseignants. Et le parc immobilier du réseau scolaire a grandement besoin d’amour.

L’argument avancé par le gouvernement est simple: les dépenses actuelles dépassent les prévisions, alors il faut imposer une mesure d’économie pour éviter un dérapage financier. De la même bouche, on nous rappelle que les budgets en éducation ont augmenté de 58 % depuis l’arrivée au pouvoir du gouvernement Legault.

Il y a quelque chose qui cloche. Les compressions budgétaires sont habillées d’un mot-clé à la mode: «efficacité». On demande aux centres de services scolaires d’être plus efficaces, de faire des choix. Comme si ces choix n’étaient pas déjà douloureux et contraints. Comme s’il restait un luxe, quelque part, dans les corridors d’école.

Peu importe où on choisira de couper, les élèves resteront les grands perdants silencieux de cette ponction.

Et le plus troublant dans cette série de coupes, c’est l’hypocrisie du discours officiel. On nous répète que les services aux élèves seront protégés, mais dans les faits, ce sont les orthopédagogues qu’on retire, les éducateurs spécialisés qu’on ne remplace pas, les heures d’aide aux devoirs qu’on écourte, les projets culturels qu’on annule. Ce sont des bibliothèques qui ferment le midi faute de personnel, des enfants en détresse qui attendent des semaines avant de voir une psychoéducatrice.

Les jeunes qui vivent des difficultés – et ils sont de plus en plus nombreux – sont les premiers à payer le prix de cette austérité déguisée. Et ils le paieront longtemps: en échecs, en décrochage, en inégalités sociales renforcées.

En fait, il y a peut-être quelque chose d’encore plus troublant. La vérité, c’est que ces compressions ne sont pas inévitables. Elles sont le reflet d’un choix politique. Un choix qui dit clairement où se situent les priorités du gouvernement.

Car pendant qu’on taille dans les budgets des écoles, on annonce en grande pompe une nouvelle mouture du troisième lien entre Québec et sa rive sud. Ce projet aux milliards de dollars – maintes fois décrié par plusieurs experts – revient dans l’actualité au même moment que ces «mesures d’économie» sont imposées. Quelle ironie. Quelle claque au visage des enseignants, des directions, des parents.

On peut toujours débattre de la pertinence de tel ou tel projet d’infrastructure. Mais ce qui est indéfendable, c’est de prétendre, dans la même semaine, que l’État doit couper dans les écoles par souci de rigueur budgétaire… tout en ressortant le chéquier pour des promesses électoralistes.

La Fédération autonome de l’enseignement a raison de tirer la sonnette d’alarme. L’éducation ne peut pas devenir la variable d’ajustement d’un budget mal calibré. Il est temps d’investir là où ça compte vraiment. Et ce n’est pas une formule creuse: c’est une urgence nationale.

Une société qui coupe dans ses écoles pour équilibrer ses comptes est une société qui hypothèque son avenir.

Donner à nos enfants un parcours scolaire stimulant, enrichissant et adapté aux réalités contemporaines, c’est leur ouvrir la voie à un avenir meilleur, aussi bien pour eux que pour notre société.

En serrant la ceinture des centres de services scolaires, on empêche inévitablement le personnel de bien faire son travail. Il faut maintenant craindre l’effet de découragement que les compressions peuvent générer au sein des enseignants, des professionnels et des employés de soutien.

Les centres de services scolaires ont déjà du mal à recruter et à retenir le personnel, à compléter la liste des enseignants pour une année scolaire, s’il faut qu’en plus on rende moins attrayant le fait de travailler dans le milieu de l’éducation, on n’est pas sorti du bois.

On aime répéter que l’éducation est la priorité numéro un. Il serait peut-être temps que les gestes du gouvernement le prouvent.

En attendant, ce sont les enfants du Québec qui continueront de payer en silence.

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Le Soleil est un quotidien francophone de Québec. Fondé le 28 décembre 1896, il est publié en format compact depuis avril 2006.

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