Je dois dire aussi que Louise a le tour de me prendre par les sentiments, elle commence son courriel en complimentant ma pilosité faciale.
Mais non, je vous niaise. Elle dit juste que je suis bon. Ce n’est pas le genre de chose dont je me vante habituellement. Je le rapporte simplement pour vous rassurer, car vous sembliez tristounets à l’idée qu’un insomniaque se plaigne de ma «barbe d’itinérant», comme si je ne recevais que des bêtises. D’ailleurs, merci aux quelques barbus qui ont pris le temps de m’écrire pour exprimer leur solidarité.
Ça me fait penser, j’ai un bon ami qui ne manque jamais de le souligner lorsqu’il apprend un mot dans mes chroniques. Ça l’amuse aussi quand je peux insérer le mot «pogo» dans un texte, comme si je lui faisais un clin d’œil codé. Une anecdote sur le thème nous unit, nous étions aux premières loges quand Manon Massé a largué sa boîte de pogos métaphorique.
Si ça ne vous dérange pas, je vais gâter un peu l’ami: pogonophobie.
Rien à voir avec la saucisse dans la pâte frite, toutefois.
C’est la phobie des barbes.
L’impôt sur les fonds de placement
Avant cette double digression, nous parlions de Louise. Voilà son problème: elle détient des placements non enregistrés, c’est-à-dire à l’extérieur des abris fiscaux habituels que sont le REER, le CELI, le FERR. On conclut donc que tous ses comptes enregistrés sont maximisés, ou presque. Elle n’est pas à plaindre, elle en est consciente.
Son argent est investi depuis plusieurs années dans des fonds communs de placement. Elle veut retirer 25 000 $ de son compte non enregistré, donc liquider des parts qui ont gagné de la valeur avec le temps. Elle aura donc de l’impôt à payer sur le gain en capital.
Elle comprend très bien ça. La chose se complique du fait qu’elle a déjà payé de l’impôt sur des distributions. En fait, elle se demande pourquoi elle est imposée sur le même placement plus d’une fois.
J’espère que les pogos vous ont amusés, car ce qui suit s’annonce un peu plus aride. J’ai dû me faire rafraîchir la mémoire par une spécialiste, je salue la fiscaliste Natalie Hotte, du Centre québécois de formation en fiscalité (CQFF), une ressource inestimable.
Un fonds d’investissement est une fiducie
Un fonds commun est comme un gros portefeuille diversifié subdivisé en une multitude de petits morceaux, des parts, réparties entre les porteurs. Le gestionnaire du gros portefeuille vend et achète des actions, ce qui génère des gains en capital. Certaines actions donnent droit à des dividendes, soit la part des profits des entreprises retournée aux actionnaires. Le fonds peut aussi contenir des obligations qui versent des intérêts. Bref, les placements produisent toutes sortes de revenus.
Juridiquement, le fonds est constitué en fiducie. Les fiducies sont imposées au taux d’imposition le plus élevé, soit 53,31 %, ce qui n’est pas efficace. C’est la raison pour laquelle le fonds distribue chaque année ses rendements aux détenteurs de parts, qui sont imposés à un taux marginal moindre.
Les investisseurs ne se rendent généralement compte de rien, pour plusieurs raisons.
D’abord, dans la majorité des cas, les fonds sont détenus à l’intérieur d’un compte enregistré où ils fructifient à l’abri de l’impôt, ce qui n’est pas la situation de Louise.
Dans ce cas, les revenus ne sont souvent pas versés directement aux investisseurs, les gains sont réinvestis, ils servent à acheter de nouvelles parts du fonds.
Aussi, les investisseurs ignorent le nombre de parts qu’ils possèdent ni leur prix unitaire, ils voient seulement évoluer la valeur globale du fonds.
Point important de l’histoire: une fois que le fonds a complété ses distributions à la fin de l’année, la valeur des parts est rajustée à la baisse de façon proportionnelle aux revenus versés aux porteurs.
Tout ce qui peut éveiller les investisseurs à cette mécanique, ce sont les feuillets fiscaux qu’ils reçoivent en début d’année pour les intérêts, les dividendes et les gains en capital, et bien sûr la facture fiscale subséquente.
Le gain en capital sur les parts
La valeur des parts ne continuera pas moins d’augmenter, malgré les distributions, le contraire serait inquiétant. Le fonds contient des actions dont le cours progresse, et cette hausse se reflète dans le prix des unités.
La différence entre le prix d’achat et le fruit de la vente constitue le gain en capital, mais c’est un plus compliqué que ça quand on acquiert de nouvelles parts sur une base régulière à des prix qui varient, ce qui se produit quand les distributions sont réinvesties automatiquement dans le rachat d’unités.
Que se passe-t-il? Chaque fois que j’achète de nouvelles parts à un coût supérieur, le prix d’acquisition moyen de toutes les unités monte. C’est d’ailleurs pourquoi on parle de «prix de base rajusté» (PBR) dans le jargon.
Illustrons par un exemple simple. Imaginons que j’investis dans 100 parts à 10 $ (1000 $), et que j’en achète encore 50 autres un an plus tard au prix unitaire de 12 $ (600 $). Je me retrouve à avoir déboursé 1600 $ pour 150 parts. Le PBR n’est pas 10 $, ni 12 $, mais 10,67 $ (1600/150).
Le prix moyen d’acquisition de mes parts augmente à mesure que j’en accumule de nouvelles avec le temps, ce qui se répercutera sur le gain en capital au moment de la liquidation.
Ce n’est pas évident à expliquer en une chronique sans vous bombarder de chiffres, mais ce qu’il faut retenir, c’est que le détenteur d’un fonds ne se retrouve pas à payer plus que sa part d’impôt. Une partie de la facture est étalée dans le temps, une autre est déclenchée à la disposition des placements.
Morale de l’histoire: vous n’avez pas idée à quel point le REER et le CELI, qui vous dispensent de tous ces calculs, peuvent vous simplifier la vie!
En plus de galvaniser vos rendements.
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