L’opération coup de poing menée par l’Agence américaine de l’Immigration et des Douanes (ICE) sur la célèbre Canal Street de New York le 22 octobre a conduit à l’arrestation de neuf migrants en situation irrégulière, dont cinq ressortissants sénégalais. Si l’intervention visait officiellement la répression de la « vente de contrefaçons et d’activités criminelles », c’est la diffusion publique, par l’ICE, des photos d’identité et des détails personnels des interpellés qui provoque une vague d’indignation et relance le débat sur le traitement des immigrés aux États-Unis.
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Soutenue par la police locale, l’ICE a confirmé avoir ciblé des « activités criminelles » sur ce haut lieu du commerce. Selon le communiqué officiel de l’agence, rapporte « Les Echos », les neuf personnes arrêtées sont en situation irrégulière. Parmi elles figurent cinq Sénégalais, dont les noms et prétendus antécédents judiciaires ont été détaillés par les autorités fédérales.
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Il s’agit de Muhammad Ndiaye, arrivé initialement en 1995 avec un visa touristique B2, il est présenté comme récidiviste. L’ICE lui reproche une longue liste d’infractions présumées, notamment, « violences conjugales », « vol », « recel », « cambriolage », « agression », « falsification », « contrefaçon », « vente de substances réglementées », « obstruction » et « trouble à l’ordre public ». Il vivait sans titre de séjour valide.
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Idy Sarr, sous le coup d’une ordonnance définitive d’expulsion datant de 2010, il a été interpellé pour « possession d’instruments falsifiés », « contrefaçon », « défaut de divulgation de l’origine de l’enregistrement », « possession de drogue » et « détention criminelle d’une substance contrôlée avec intention de la vendre », ainsi qu’« obstruction à la justice ».
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Serigne Diop, entré illégalement en avril 2024 par la frontière Sud-Ouest, il avait été libéré sous l’administration précédente avant d’être à nouveau arrêté. Il est accusé d’avoir « participé à un réseau de vente de produits contrefaits » et d’être « impliqué dans des opérations de falsification de documents commerciaux ».
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Modou Mboup, identifié comme membre d’une caravane de 140 migrants entrée via le Mexique en septembre 2023, il est accusé d’avoir « agressé des agents de sécurité mexicains » avant son passage de frontière. Il serait lié, selon les autorités, à un « trafic de substances illicites et à des faits de violences contre les forces de l’ordre ».
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Alioune Sy, entré légalement avec un visa touristique en mai 2023, il n’aurait pas renouvelé son titre de séjour. Il est accusé de « vente de produits contrefaits sur Canal Street » et d’avoir enfreint les conditions de son séjour.
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L’ICE a qualifié l’ensemble des interpellés de « criminels étrangers dangereux », une terminologie qui, selon les critiques, amalgame une fois de plus immigration et criminalité dans le discours politique.
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L’aspect le plus controversé de cette affaire réside dans le choix de l’ICE de publier les photos d’identité, les noms complets et les détails précis des antécédents présumés des cinq Sénégalais sur ses comptes officiels, où ils ont été massivement relayés, souvent accompagnés de propos xénophobes. Ce procédé, jugé « rarissime » pour des étrangers non encore jugés, est ouvertement critiqué.
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L’administration américaine justifie cette pratique par une politique de « transparence » et de fermeté. Tricia McLaughlin, secrétaire adjointe de l’ICE, a d’ailleurs souligné la dimension politique de l’opération, déclarant dans le communiqué : « Sous la présidence Trump et la secrétaire Noem, les étrangers en situation irrégulière criminels ne sont pas les bienvenus aux États-Unis ».
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Pour les défenseurs des droits humains, cette stratégie de désignation nominale et de « publicisation » s’apparente à une instrumentalisation politique de l’immigration. Ils dénoncent une pratique qui « sacrifie la présomption d’innocence et la dignité des personnes concernées » et qui rappelle, selon eux, des dérives médiatiques du passé où la peur de l’étranger servait d’outil de propagande sécuritaire. L’exposition publique de ces informations, avant tout jugement, est perçue comme un message politique fort visant à marquer les esprits sur la thématique de l’immigration irrégulière.
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