Dans le monde occidental, les choix se multiplient pour disposer des restes d’un défunt. Si vos motivations sont avant tout écologiques, vos dernières volontés méritent réflexion.
Au Québec, la tendance des dernières décennies se porte vers la crémation choisie dans plus de 80 pour cent des cas. Ce qu’on fait de ces cendres par la suite varie: elles sont parfois inhumées dans une urne, déposées dans un columbarium, conservées dans la famille ou dispersées dans la nature.
Il s’agit certainement d’une amélioration, d’un point de vue écologique. Ce choix a largement remplacé celui d’une thanatopraxie (embaumement utilisant des liquides de conservation) suivie d’une inhumation dans un cercueil, le mode de disposition du corps le plus courant à une certaine époque.
Qu’on repose pour l’éternité dans une urne ou un cercueil, on s’assurera que ce contenant soit de matière organique biodégradable et de fabrication locale de préférence. Ça existe et ce n’est pas plus cher pour autant.
L’impact de la crémation
La crémation d’un corps produit en moyenne environ 233 kg de CO2, selon une source française. Cela équivaut à peu près à 1100 km parcourus en voiture. Comparativement, une inhumation traditionnelle peut générer entre 250 et 800 kg de CO2, selon les matériaux utilisés pour le cercueil et le monument funéraire.
Autant se le dire franchement: l’humain vivant risque de produire plus de gaz à effet de serre qu’un défunt. La compensation s’exerce objectivement en assez peu de temps. Surtout s’il s’agit d’un Canadien qui produit, en moyenne, 14 330 kg de CO2 par année!
L’incinération d’un corps produira par ailleurs des émissions de particules, notamment du mercure. Sur ce point, les études à travers le monde varient beaucoup; déjà, on suppose que ces particules diminueront avec l’abandon des plombages au mercure, l’une des sources de ce contaminant lors de la crémation d’un corps.
Beaucoup de variables entrent en ligne de compte en ce qui concerne les particules émises lors de la crémation: de quoi est fait le contenant incinéré avec le corps? Quelles sont les fibres de ses vêtements? Le défunt portait-il des prothèses médicales ou dentaires?
À la Corporation des thanatologues du Québec, la porte-parole Annie Saint-Pierre insiste pour dire qu’aucun four crématoire n’a jamais été sanctionné pour le dépassement des normes québécoises en ce qui concerne le rejet de particules dans l’atmosphère.
D’ailleurs, une nouvelle génération de fours crématoires, dont certains sont produits à Montréal, vient peu à peu remplacer les anciens incinérateurs funéraires. Ceux-ci sont réputés pour la réduction des rejets dans l’atmosphère et leur efficience énergétique, ce qui réduit d’autant la combustion d’énergie fossile comme le gaz naturel.
Enterrements naturels
Toutes ces considérations minimisant l’impact de nos pratiques funéraires courantes sur l’environnement ne veulent pas dire qu’il soit vain de rechercher des options peu polluantes. Quoique, dans l’industrie, on constate que la demande pour des produits funéraires écologiques se bute souvent à l’impact monétaire de ces choix.
Au Québec, le Règlement d’application de la Loi sur les activités funéraires conditionne la latitude accordée aux entreprises funéraires et aux cimetières. On y lit que «pour toute inhumation, le cadavre doit être déposé dans un cercueil de manière à empêcher les écoulements et à permettre une manipulation sécuritaire du cadavre». Ce cercueil doit ensuite être recouvert d’au moins un mètre de terre.
Les professionnelles de la thanatopraxie consultées pour cet article ont émis certains doutes sur l’efficacité des liquides d’embaumement dits biologiques, c’est-à-dire ceux qui ne contiennent pas de contaminants comme le formaldéhyde. Et selon la réglementation québécoise, des pratiques de conservations strictes sont édictées pour les corps qui ne subissent aucune thanatopraxie. Une inhumation dans de très courts délais doit donc y être associée.
Cela vient souvent couper court au choix des enterrements écologiques ou naturels; en ce qui concerne le procédé de terramation (compostage humain), il est exclu de la réglementation québécoise exigeant un cercueil rigide.
Les enterrements verts, quant à eux, reposent sur cinq principes: absence d’embaumement, inhumation en pleine terre, restauration et conservation naturelles du site, simplicité du mémorial et optimisation de l’espace requis sur le terrain. La Société canadienne pour l’enterrement vert (Green Burrial) recommande que le corps soit enveloppé dans un linceul de fibres naturelles et biodégradables, mais elle concède l’option d’utiliser un cercueil rigide qui correspond à ces mêmes critères. On n’y trouverait donc pas de fibres synthétiques dans la doublure ni de métaux lourds dans les poignées ou pentures ainsi qu’aucun vernis toxique.
Aucun cimetière québécois n’est certifié en vertu de ces critères, alors que l’on compte une quinzaine de ces sites ailleurs au Canada.
Préparation, réduction, inhumation
Dans un essai déposé en 2011 au Centre universitaire de formation en environnement de l’Université de Sherbrooke, Alex Martin évalue l’impact des pratiques funéraires en fonction des trois étapes qui aboutissent à la disposition finale d’un corps: sa préparation (embaumement), sa réduction (crémation ou hydrolyse alcaline) et, en dernier lieu, sa disposition finale.
Ses conclusions favorisent l’absence d’embaumement avant la réduction du corps. Pour cette deuxième étape, l’hydrolyse alcaline (également appelée aquamation) présente des avantages par rapport à la crémation, en raison de son faible impact sur l’air et sur l’énergie nécessaire.
Finalement, la dispersion, l’inhumation ou le dépôt en columbarium des restes du défunt dans une urne (cendres ou poudre d’os) pèsent moins lourd, selon cet essai, sur les eaux souterraines et sur l’espace occupé, par rapport à l’enterrement du corps.
Quelle empreinte laisser?
Au-delà de l’empreinte écologique tangible, pour certains, la valeur exemplaire des choix environnementaux que l’on fera pour ses funérailles peut avoir une portée symbolique. Celle-ci marquera probablement le cœur et l’esprit de nos proches.
Et quoi qu’il en soit de sa finalité corporelle, on peut aussi soigner les choix qui entourent la célébration de la vie du défunt: hommage et réception qui limitent les déplacements, choix du traiteur et des couverts, dons dirigés vers une organisation environnementale, distribution d’un souvenir qui ne comporte pas de matière plastique (les fameux signets!).
Car au fond, ce qui reste d’un proche disparu, demeure avant tout immatériel.
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