2:48 am - 20 octobre, 2025

Au Québec, la relation entre les médecins et le gouvernement ressemble à un vieux pont suspendu. Solide par moments, fragile à d’autres. Il relie deux rives: celle du soin et celle de la gouvernance publique. Mais depuis quelque temps, les câbles grincent, fruit notamment du projet de loi 106 du Ministre Christian Dubé qui vise à instaurer la responsabilité collective et l’imputabilité des médecins […] comme s’ils ne l’étaient pas déjà. Les négociations, pourtant essentielles à la stabilité du réseau de santé, se sont transformées en une épreuve de force où chaque partie tente de défendre sa légitimité.

Qu’il s’agisse de l’État ou des fédérations de médecins, ces structures se retrouvent au centre d’un système sous contrainte. Depuis plusieurs années, les médecins réclament la reconnaissance de la valeur réelle de leur travail sur deux plans : financier et professionnel. Par ailleurs, le Gouvernement du Québec, confronté à des déficits structurels et à une population vieillissante, cherche à contenir la croissance des dépenses publiques sous le regard menaçant des agences de crédit. Ces deux objectifs légitimes soit l’assainissement des finances étatiques et le service public deviennent alors contradictoires.

Être médecin, au Québec, est une vocation qui exige un savoir acquis par de longues études, des gardes épuisantes et une responsabilité constante. Dès lors, les médecins demandent d’évoluer dans un système d’insertion qui respecte leur jugement clinique et leur expertise. S’ajoute l’autonomie professionnelle. Les médecins y attachent la volonté de choisir minimalement leur clientèle et non de l’assumer sous l’égide d’un système forcé d’affectation de patients.

Dans tous les cas, la bureaucratie s’est alourdit au cours du temps. Surgissent alors des quotas, de nouveaux formulaires et des protocoles administratifs qui envahissent la quotidienneté de la médecine. Par exemple, un médecin de famille passe parfois autant de temps à cocher des cases de formulaires qu’à écouter ses patients. Cette dérive bureaucratique mine le sens même de la profession médicale. Pour les médecins spécialistes, d’autres frustrations s’ajoutent comme des contraintes budgétaires qui limitent l’accès à des équipements médicaux de pointe. Par conséquent, le malaise est profond. Il s’agit d’un enjeu qui, outre la rémunération, interpelle la reconnaissance et la gouvernance du savoir médical.

À tous égards, nul choix d’envisager à une sortie de crise qui postule de redéfinir le partenariat entre l’État et les fédérations de médecins. Une solution pérenne devrait transiter par un nouveau pacte de confiance entre l’État et la profession médicale.

Trois principes pourraient guider un solutionnaire. Le premier engage une coresponsabilité. Le second postule la transparence et le troisième oblige une modernisation du travail médical. Au plan de la coresponsabilité, l’État doit reconnaître que les médecins sont des partenaires. Cela suppose de mieux les intégrer aux décisions sur l’organisation des soins et la répartition des ressources. Au plan de la transparence, les négociations doivent reposer sur des données limpides notamment sur les besoins en santé des Québécois, actuels et futurs. Au plan de la modernisation du travail médical, l’accès à des ressources hospitalières à la fine pointe du progrès doit répondre aux exigences d’une société numérisée. Avant tout, il s’impose de bien saisir les tenants et les aboutissants de la charge réelle de travail en médecine.

Le Québec a un besoin vital de ses médecins. Redonner du sens à la pratique médicale, c’est redonner espoir à toute la société. Cela demande du respect mutuel. Car au bout du compte, ce que chacun défend, c’est la santé d’un peuple. Aucune autre cause ne saurait être plus noble.

Le projet de loi 106 affecte à priori tous les Québécois à un milieu de soins. Ensoi c’est un principe louable si les ressources médicales sont suffisantes. Mais ce n’est pas le cas. Dès lors, la quantité excessive de patients par médecin peut endommager la qualité des soins et s’avérer une source d’erreurs médicales. En effet, si la médecine peut faire des prodiges, elle peut aussi faire des erreurs, voire des erreurs graves. En outre, un trop plein de patients réduit implicitement l’autonomie médicale. Or la médecine a besoin d’autonomie pour fonctionner.

Ainsi, le projet de loi 106 est une initiative socialement risquée. Quoi faire alors! Former les médecins que le Québec a besoin. Ce qui ne fut jamais fait. Pourtant le vieillissement de la population et ses conséquences sur la demande de soins étaient prévisibles. Quant à la rémunération des médecins, elle ne fut historiquement guère mieux gérée que le système médical global. Dès lors, une action réfléchie et concertée s’impose.

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Le Soleil est un quotidien francophone de Québec. Fondé le 28 décembre 1896, il est publié en format compact depuis avril 2006.

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