Les femmes soupçonnées d’avoir avorté illégalement, c’est-à-dire en dehors du délai légal de 24 semaines, ne risquent plus d’être signalées à la police. Les députés, que les partis avaient laissé libres de leurs votes, ont approuvé à une large majorité cette réforme. En revanche, les professionnels de santé restent passibles de poursuites, ainsi que les partenaires qui contraindraient une femme à avorter, rapporte notre correspondante à Londres, Émeline Vin.
Les syndicats de soignants et les plannings familiaux réclament depuis des années une réforme de l’interruption volontaire de grossesse (IVG) en Angleterre et au Pays de Galles. Depuis la pandémie, il est possible de recourir à une IVG médicamenteuse en passant par une plateforme de télémédecine. Mais ces dernières années, plusieurs dizaines de femmes ont été poursuivies après une fausse couche jugée suspecte.
L’histoire de Nicola Packer, une Britannique de 45 ans innocentée en mai à l’issue d’un procès éprouvant, a récemment mis ce sujet en lumière. Cette femme avait découvert sa grossesse en novembre 2020, pendant la pandémie de Covid-19, et s’était fait prescrire des médicaments abortifs à prendre à domicile, pensant être enceinte de six semaines. Mais elle était en réalité enceinte d’environ 26 semaines, bien au-delà de la limite légale pour une IVG. Après avoir accouché chez elle d’un fœtus mort dans des conditions traumatisantes et s’être fait opérer en urgence à l’hôpital, Nicola Packer a été dénoncée à la police qui l’a placée en garde à vue, avant d’être poursuivie.
« Des femmes sont arrêtées sur leur lit d’hôpital »
Aujourd’hui encore, « des femmes sont arrêtées sur leur lit d’hôpital, amenées à la police et soumises à des enquêtes pénales lorsqu’elles sont soupçonnées d’avoir mis fin à leur grossesse », s’était indignée la députée travailliste Tonia Antoniazzi avant le vote, à l’origine de cet amendement.
Selon une loi datant de 1861, l’avortement est une infraction pénale en Angleterre et au Pays de Galles, et peut entraîner une peine d’emprisonnement pouvant en théorie aller jusqu’à la perpétuité. « Adoptée à l’origine par un Parlement exclusivement masculin élu par des hommes uniquement, cette loi victorienne est de plus en plus utilisée contre les femmes et les filles vulnérables », a déclaré Tonia Antoniazzi en défendant son amendement mardi à la chambre des Communes.
La loi sur l’avortement de 1967 a introduit des exceptions pour légaliser l’IVG sous certaines conditions : avant 23 semaines et six jours de grossesse, et sous l’égide d’un professionnel de santé. Après ce délai, cette procédure n’est autorisée que si la vie de la mère est en danger, ou s’il existe un risque important que l’enfant naisse avec un handicap grave.
L’amendement adopté, le 17 juin, ne change pas la durée légale pour procéder à une IVG, et toute personne aidant une femme à avorter hors délai ou hors cadre médical resterait passible de poursuites. La pertinence de la télémédecine dans le cadre de l’IVG a été discutée, mais les élus ont choisi de conserver cette possibilité. En revanche, ils ont rejeté un autre amendement visant à faire de l’IVG un droit.
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