6:54 am - 21 octobre, 2025

Accumuler les crises d’angoisse, les nuits blanches, les idées noires.

Régis Labeaume pose la question à plusieurs élus municipaux dans un documentaire et un balado à voir et à entendre, intitulé Qui veut encore faire de la politique?

L’ex-maire de Québec en sait quelque chose: il faut être blindé quand on décide de se lancer à la tête d’une ville. Et même quand on l’est, on ne sort jamais complètement indemne d’une menace de mort ou d’un lynchage en règle sur les «radios poubelles».

Quand, dans une petite ville ou un village, les injures viennent du cousin, du voisin, d’un citoyen qu’on croise tous les jours à l’épicerie, c’est encore pire.

«On pense que ça ne nous affecte pas vraiment mais c’est insidieux. Tu penses que ce n’est pas grave, tu fais le brave. Mais à un moment donné, ça s’accumule, tu ne t’en aperçois pas. Puis, ça fait mal. Si ça me fait mal à moi, imagine.»

Dans le documentaire d’une heure, présenté le samedi 25 octobre à 20 h sur ICI Télé et ICI Tou.tv, à deux semaines des élections, Régis Labeaume rencontre des élus qui ont tout pour faire de la politique, mais qui ont flanché ou failli flancher sous la pression.


La bande-annonce de «Qui veut encore faire de la politique?»
(Radio-Canada)

Il parvient à recueillir des confidences très intimes des élus, qui évoquent leur détresse et leurs angoisses. On est loin de la cassette habituelle.

En voyant l’homme brisé qu’est Mathieu Maisonneuve, maire de Saint-Lin-Laurentides, il lui recommande de ne pas se représenter.

«Mon réservoir pour accepter de la méchanceté a débordé», confie l’élu, qui finira par annoncer son départ.

Dans cette ville qui manque d’eau en raison de la population qui a explosé, le maire avait augmenté les impôts de 20 %, après un gel de son prédécesseur. Sa propre équipe ne l’a pas pris et l’a abandonné à son sort.

Le cas d’Isabelle Lessard, jeune mairesse de Chapais, est aussi très parlant. Après un début de mandat plutôt encourageant, les feux de forêt l’ont plongée dans une crise sans précédent. Elle ne sortait plus de chez elle, se couchait en boule dans son lit.

On l’a critiquée parce qu’elle s’est présentée en veste de jean à un point de presse. Elle a finalement craqué et quitté son poste.

Sa rencontre avec Régis Labeaume, qui avoue qu’il aurait aimé lui servir de mentor, est touchante. Isabelle Lessard lui confie qu’elle a pensé au suicide.

M. Labeaume est persuadé qu’on la reverra en politique. On se le souhaite.

Des noms d’élus moins connus

Dans ce documentaire, qui marque une première expérience du genre pour Régis Labeaume, l’ex-maire ne se présente pas comme un ange; il reconnaît ses torts, son époque bully où il est allé trop loin. On revoit son altercation avec un citoyen à la sortie d’une séance extraordinaire du conseil municipal.

En table ronde après le visionnement de presse, il confie que sa carrière politique n’a pas favorisé sa vie familiale.

«J’ai siphonné la personnalité de mes enfants. Quand tu t’appelles Labeaume, t’as neuf chances sur 10 que ce soit ton père à Québec. Honnêtement, j’ai vécu 14 ans de culpabilité.»

—  Régis Labeaume

Il rappelle sa séparation durant son mandat, pour laquelle la presse est restée très respectueuse.

Et pourtant, il referait les choses de la même façon.

On sent dans le documentaire à quel point il a tripé à faire de la politique, entre autres lorsqu’il remet les pieds à l’hôtel de ville pour la première fois en quatre ans.

Pour le documentaire, on a privilégié des noms d’élus moins connus, sauf pour Valérie Plante, qui raconte avoir appelé Régis Labeaume vers la fin de son premier mandat, indécise sur son avenir, pour lui demander conseil.

Les autres proviennent de plusieurs régions du Québec, dont la mairesse de Chibougamau, Manon Cyr, qu’on appelle la Régis Labeaume du Nord, pour son style un peu carré, et le maire de Trois-Rivières, Jean Lamarche, qui a dû s’absenter six mois pour soigner un burn out.

Tout n’est pas tout noir

Tout n’est pas tout noir, comme le cas du jeune maire de Baie-Saint-Paul, Michaël Pilote, qui a géré de façon exceptionnelle les inondations qui ont affecté sa ville en 2023.

Celui-ci raconte comment il préserve sa vie familiale et personnelle, sa façon de se blinder contre les effets pervers de la politique. Le maire Pilote semble sur une bonne lancée.

Une touche d’espoir dans une œuvre qui brosse un portrait assez noir de la situation. Régis Labeaume sait bien qu’il n’y a là rien de bien encourageant à se lancer en politique; il croit néanmoins que la population doit prendre conscience de ce problème bien réel.

Et si on se tournait la langue au moins sept fois avant de déverser son fiel sur un élu?

Très critique à l’endroit du gouvernement Legault par les temps qui courent, Régis Labeaume louange sa loi 57, qui protège les élus municipaux et les députés contre le harcèlement et l’intimidation.

Il croit néanmoins que l’avenir des villes passe par les fusions municipales; 60% des villes ont moins de 2000 habitants, alors que la masse critique se situe autour de 10 000 âmes.

«Plusieurs municipalités ne survivront pas», croit-il.

Il est tout de même conscient que bien peu d’élus voudront se mettre la tête sous le billot avec un dossier aussi délicat que celui des fusions municipales…

L’œuvre est produite chez Déferlantes, qui travaille rarement avec Radio-Canada. Mais la boîte dans laquelle Québecor a des parts avait produit chez le diffuseur public le documentaire Bye avec l’homme d’affaires Alexandre Taillefer, après le suicide de son fils.

Disponible sur OHdio, le balado qui accompagne le documentaire permet à Régis Labeaume d’approfondir le sujet avec des élus tels que Catherine Fournier, mairesse de Longueuil, et Alicia Despins, conseillère de Québec, district Vanier-Duberger.

Le documentaire sera aussi diffusé sur ICI RDI, le 31 octobre à 20 h.

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Le Soleil est un quotidien francophone de Québec. Fondé le 28 décembre 1896, il est publié en format compact depuis avril 2006.

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