C’est malheureusement la situation que subit la communauté musulmane de Sherbrooke. Afin de pouvoir célébrer une de ses plus importantes fêtes, elle a besoin de louer une grande salle. Une très grande salle. Aucune mosquée de la région n’est assez grande, car ce rassemblement réunit plusieurs communautés.
Le Centre de foires de Sherbrooke, lui, a la capacité d’accueillir 3000 personnes et même plus. Le Centre des congrès n’a pas cette capacité. Ni aucune salle privée de la région.
La présidente du conseil municipal, Laure Letarte-Lavoie, a beau dire que la Ville n’empêche pas les gens de pratiquer leur religion, s’il n’y a pas d’alternative à l’infrastructure municipale pour organiser un évènement, alors oui, dans la pratique, ces personnes ne peuvent pas entièrement vivre leur religion ni leurs coutumes culturelles.
Toute cette histoire n’est pas claire d’un point de vue légal. D’un côté, le conseil municipal semble dire qu’il aurait pu permettre une exception d’ici les travaux du comité de travail de la loi, attendu d’ici août prochain, mais d’un autre côté, le conseil municipal souligne aussi que la loi ne le permet pas.
Au moment d’écrire ces lignes, je n’ai pas pu confirmer la bonne interprétation. Sauf que si c’est bien ce que dit la loi, c’est un problème, et si c’est une mauvaise interprétation, c’est encore un problème.
Le 22 avril, au précédent conseil municipal, le comité exécutif avait recommandé de louer, malgré tout, le Centre de foires, mais la décision a été soumise à un vote et finalement, une majorité de conseillères et conseillers municipaux ont voté dans le sens inverse. Décision critiquée par une bonne dizaine de citoyennes et citoyens au conseil municipal de mardi soir dernier.
Même si le débat lors du précédent conseil municipal portait davantage sur la conformité à la législation québécoise que sur la religion, il est plutôt facile de comprendre pourquoi les communautés musulmanes se sentent exclues et discriminées.
On voit bien les problèmes que peut créer la Loi sur la laïcité. Ce n’est pas pour rien que le gouvernement a souhaité se prévaloir de la clause dérogatoire. Cette loi est discriminatoire. Le gouvernement Legault sait que ça ne respecte pas les chartes québécoises et canadiennes.
Près de six ans après son adoption, je demeure assez critique envers la Loi sur la laïcité qui m’a toujours paru abusive. Elle propose une mauvaise solution à un enjeu mal ciblé.
L’État doit être laïc, oui, mais cette laïcité ne repose pas sur le port de signes religieux ou sur la location de locaux.
Le prosélytisme – lorsqu’une personne cherche à convertir d’autres personnes à leur foi – a rarement à voir avec le look de la personne.
L’influence passe bien plus par les paroles, les gestes, les biais. Croire que l’habit fait le moine, si c’était juste niaiseux, ce serait drôle, mais ça devient rapidement inéquitable et arbitraire.
Dire que les deux seules personnes qui, dans ma vie, ont tenté de me convertir à leurs croyances ne portaient aucun signe religieux. Une de ces personnes, un prof, a troqué deux cours d’anglais complets pour nous imposer sa vie spirituelle, méditation incluse. Ironiquement, lui pourrait sûrement louer le Centre de foires.
Revenons justement au Centre de foires. Ce genre de lieu appartient parfois à des organismes privés, parfois à des municipalités. Inclure ce genre de bâtiment dans la Loi sur la laïcité relève du zèle.
Que se passera-t-il si la Ville de Sherbrooke est partenaire d’un nouveau Centre des congrès, ce sera une autre infrastructure interdite aux groupes religieux? C’est problématique.
Un Centre de foires, ce n’est pas un espace public, dans le sens que ça ne fait pas partie des espaces de vie démocratique. Ce n’est pas un endroit où on se rend par hasard non plus. C’est un espace fermé qui est continuellement loué à différents groupes. Parfois pour exposer des voitures, parfois pour des congrès politiques, parfois pour célébrer la littérature, parfois pour des associations professionnelles.
C’est à ça que sert un centre de foires, à être loué pour des évènements. L’empêcher à un groupe pour des raisons religieuses, c’est par définition une discrimination.
La plupart du temps, sauf quand c’est un évènement ouvert à tout le monde, la population n’a aucune idée de qui loue le Centre des congrès. Ce sont souvent des évènements privés. Qu’est-ce que ça change si c’est, une fois dans l’année, un groupe religieux qui loue le lieu?
La laïcité de l’État, c’est de traiter tout le monde équitablement, sans favoritisme. Il n’y a rien d’équitable dans cette histoire.
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