Par cette lettre, nous souhaitons exprimer publiquement nos inquiétudes et dénoncer des coupes qui, une fois de plus, se feront au détriment des patients.
Dès le début de notre formation, nous apprenons que toute approche en santé mentale se doit d’intégrer un volet biologique, psychologique et social afin de comprendre la personne dans sa complexité et sa globalité.
Que ce soit dans nos milieux de stages ou lors de nos gardes à l’urgence psychiatrique, nous nous retrouvons face à des être humains en détresse, que l’on tente d’orienter vers les ressources les plus appropriées.
Mais alors que les urgences débordent et que parallèlement, la pression monte pour libérer des lits, les alternatives à l’hospitalisation sont successivement démantelées, pièce par pièce.
Force est de constater que ces ressources se font de plus en plus rares à Québec, comme en témoigne la fermeture de trois d’entre elles depuis le début de 2025, soit le centre de traitement psychanalytique 388 pour les jeunes psychotiques, l’hôpital de jour du Faubourg St-Jean qui traitait les troubles de la personnalité, et plus récemment, l’hôpital de jour des troubles anxieux et de l’humeur de l’Institut universitaire en santé mentale de Québec.
Ce genre de décision renforce les inégalités d’accès aux soins déjà présentes.
Faute de ressources publiques, certains patients n’auront d’autres choix que de se tourner vers le système privé pour accéder à des psychothérapies, qui sont pourtant reconnues comme un traitement de première ligne pour bon nombre de troubles de santé mentale. Il est de plus en plus difficile d’offrir ce qu’on sait être les meilleurs soins.
Ce mouvement forcé vers le privé compliquera à nouveau l’accès aux services pour les individus les plus vulnérables et entraînera forcément une perte d’expertise dans notre système public.
Les récentes coupures dans les programmes offerts aux patients limiteront nos possibilités de formation dans des milieux où les interventions psychothérapeutiques et sociales étaient mises de l’avant, souvent en concertation avec d’autres professionnels de la santé.
Déshumanise encore un peu plus
De ce fait, on déshumanise encore un peu plus la psychiatrie, en renforçant un modèle dans lequel le psychiatre est réduit à son rôle de «prescripteur de pilules». Si les psychiatres ne sont plus que formés dans une vision pharmaco-centriste, cela appauvrira notre compréhension des enjeux de nos patients et la qualité des soins que nous pourrons leur offrir.
Il est inconcevable de devoir quitter notre milieu dit universitaire pour se former sur le modèle des hôpitaux de jour en santé mentale, modèle reconnu pourtant efficace dans la littérature, selon l’analyse même du CIUSSS de la Capitale-Nationale de septembre 2024 (1).
De par le lien privilégié que nous développons avec nos patients, nous ressentons le besoin de nous mobiliser pour défendre la qualité des soins que nous pourrons leur offrir dans le futur. À cet égard, rappelons qu’il existe une réelle richesse à proposer une diversité d’options thérapeutiques, et qu’il est préjudiciable de croire qu’un seul modèle, comme l’hospitalisation, puisse convenir à tous.
Nous refusons de rester silencieux devant ce retour à l’Institution globale qui se dessine insidieusement, et qui, comme cela a été démontré par le passé, est souvent inadaptée, voire nuisible pour certains patients, entraînant, entre autres, perte d’autonomie et régression.
Dans un monde où notre système hospitalier craque déjà, il faut résister à la tentation de niveler vers le bas, en coupant davantage dans une branche longtemps négligée de la médecine.
Maxence Brouillette, MD, résident en psychiatrie
Eugénie Cloutier, MD, résidente en psychiatrie
Justin Gagnon, MD, résident en psychiatrie
Xavier Gauvreau, MD, résident en psychiatrie
Amylie Malouin-Lachance, MD, résidente en psychiatrie
Sophie Richer-Laflèche, MD, résidente en psychiatrie
Audrey St-Cyr, MD, résidente en psychiatrie
Philippe St-Pierre, MD, résident en psychiatrie
Julie Voyer, MD, résidente en psychiatrie
Comité de rédaction, au nom de l’Association des résidents en psychiatrie de l’université
Laval (ARPUL), qui représente plus de 70 membres.
RÉFÉRENCES
(1) Cummings, J., Tuyishimire, D. et St-Jacques, S. (2024). L’hôpital de jour en santé mentale : S’inspirer de la littérature pour bien camper l’offre de services et revaloriser la pratique. Rapport d’ETMI abrégée, UETMISSS, DEAU, CIUSSS de la Capitale-Nationale, 59 p. Disponible en ligne
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