Le torchon brûle toujours au sujet du raccordement d’approximativement trois kilomètres de l’aqueduc privé du futur complexe immobilier au réseau municipal de Lac-Beauport.
L’autorisation de signer un protocole d’entente sur ce conduit a été validée lors du conseil municipal au début mai, suscitant le mécontentement de certains citoyens.
Aujourd’hui, le Regroupement citoyen de Lac-Beauport pense avoir trouvé une faille administrative dans le projet Horizon sur le golf du Mont-Tourbillon, qu’il trouve «démesuré».
Le groupe avance qu’il manque toujours le certificat d’autorisation du ministère de l’Environnement pour l’aménagement de la conduite d’aqueduc inscrite au permis de construction. Pour justifier cela, les citoyens brandissent un courriel d’un fonctionnaire répondant à leurs questions, dont Le Soleil a obtenu copie.
«Le seul cas où l’exemption prévue à l’article 184 est possible pour l’établissement, la modification ou l’extension d’un système d’aqueduc est lorsque le nombre total de personnes desservies est de 20 ou moins pour l’ensemble du système d’aqueduc (existant et prolongement), peu importe le nombre de bâtiments», est-il écrit dans le courriel. Le complexe immobilier devrait avoir 84 condominiums.
Mais le promoteur Jean-Sébastien Noël — fils du propriétaire du Club de golf Mont-Tourbillon, Michel Noël — mentionne que les interprétations citées plus haut sont erronées, puisque la juridiction de son projet est différente.
«Ici, il ne s’agit pas d’une extension du réseau public ni d’une modification de celui-ci, mais bien d’un long branchement privé qui restera privé. C’est un branchement encadré par une demande de raccordement municipal, et non par le ministère», indique-t-il.
Le maire de Lac-Beauport, François Boily, affirme pour sa part que les juristes de la Ville ont appuyé les conclusions de la firme de génie Apex Expert Conseil, mandatée par le promoteur, comme quoi le certificat d’autorisation n’était finalement pas requis.
«On ne remet pas en question la crédibilité de la firme, mais comme le mandat a été donné par le promoteur, on l’a fait vérifier par nos avocats. Et ils ont approuvé les conclusions des ingénieurs, affirmant qu’il ne s’agissait pas d’un prolongement de l’aqueduc municipal», explique M. Boily en entrevue avec Le Soleil, en admettant que ses avocats lui aient tout de même suggéré d’exiger ce certificat.

«J’ai une directive d’un ingénieur qui me dit quelque chose. J’ai un avocat qui confirme ce que l’ingénieur dit. Et j’ai un juge qui me dit que je dois donner le permis de construction. Je ne peux pas me substituer aux ingénieurs, aux avocats et au système de justice», ajoute-t-il.
Dans une décision rendue à la Cour supérieure en septembre 2024, le juge Martin Dallaire a ordonné à la Municipalité d’octroyer les permis de construction pour le complexe immobilier.
«80 % de mon temps»
La présidente du Regroupement citoyen de Lac-Beauport, Sophie Ouellet, trouve que le projet élaboré en 2014 manque de transparence depuis le début.
«Tout est mis en œuvre pour bénéficier à un promoteur. On a l’impression que le maire se dépêche pour que ça se finisse. Il avait même qualifié le projet de patate chaude. Il essaie donc de fermer ça à la hâte, sans égards aux conséquences», mentionne Mme Ouellet.

«Par exemple, qui va s’occuper et entretenir l’aqueduc? C’est une question qui est toujours sans réponse», renchérit-elle.
Le maire de Lac-Beauport veut mettre les points sur les i et les barres sur les t une fois pour toutes.
«Si quelqu’un dit que la Municipalité va s’occuper du conduit, c’est faux. Il n’est pas question qu’on prolonge le réseau d’aqueduc municipal pour un promoteur», s’exclame François Boily au bout du téléphone.
Ce dernier révèle que dans le protocole d’entente actuel, qui pourrait être assujetti à des changements, tous les coûts reliés à l’entrée de service de l’aqueduc ainsi que les taxes seront acquittés par le promoteur. La Ville ne déboursera aucun sou.
«Le promoteur sera responsable, et c’est là le nœud de la situation, de l’entretien de l’entrée de service, ainsi que de la qualité, de la quantité et de la pression de l’eau. Tous les travaux d’entretien ou de réparation de l’entrée de service devront également être autorisés par la municipalité», dit le maire.
«Et dans l’éventualité où la Ville se voit obligée de prendre en charge l’entrée de service, tous les coûts seront assumés par le promoteur ou l’éventuel propriétaire foncier du projet Horizon sur le golf», ajoute-t-il.
Par la suite, les propriétaires des condos devront débourser leur juste part des coûts pour l’aqueduc.
Ce protocole d’entente, dont le maire parle, n’est toujours pas disponible pour les citoyens.
«Il avait pourtant promis de tenir, avant la fin de mai, une rencontre publique d’information au sujet du protocole et cette promesse n’a toujours pas été honorée; pourquoi tant de cachettes?» questionne Sophie Ouellet
«Je m’étais peut-être trop avancé. Le protocole n’est pas encore signé, il reste à corriger des coquilles avant de le présenter. J’espère de tout mon cœur qu’il sera signé en juin, car j’ai très hâte de passer à autre chose», répond M. Boily.
«On a d’autres citoyens qui ont des demandes. Mais on a mis une partie de la Ville sur pause pour environ 250 habitants du Mont-Tourbillon. On est une municipalité de 8500 habitants», fait savoir le maire.
«80 % de mon temps à la mairie est consacré à gérer ce dossier», lâche-t-il.
Minimiser les désagréments
Le Regroupement citoyen de Lac-Beauport, composé d’environ 70 membres actifs, se dit très préoccupé pour la qualité de l’eau souterraine puisée par les maisons du secteur.
Les citoyens craignent que le dynamitage pour construire l’aqueduc contamine ou fragilise la nappe phréatique. Ils craignent aussi que des problèmes de circulation se créent.
C’est pourquoi le groupe a déjà cherché à ralentir le développement immobilier au sommet du Mont-Tourbillon en s’adressant aux tribunaux.
«Peut-on sérieusement croire que tous ces travaux seront faits au pic et à la pelle, même mécanisés? Il est impossible de mettre en place un tel chantier sans perturber les ressources en eau, dont le potentiel est si faible sur la montagne», lance Sophie Ouellet.
Questionné à ce sujet, le promoteur se veut rassurant.
«C’est un dossier très sensible, et je comprends, car des citoyens manquent déjà d’eau. Ils ont le droit de contester et c’est légitime», énonce Jean-Sébastien Noël.
«Si on peut éviter le dynamitage, on va le faire.»
—  Jean-Sébastien Noël
M. Noël avait d’ailleurs relancé l’idée à la Municipalité de Lac-Beauport de raccorder des maisons du secteur à son aqueduc. De cette manière, elles auraient moins à s’inquiéter pour leur consommation d’eau.

Bien que la Ville ait étudié cette possibilité, des citoyens ont fait remarquer que cela leur coûterait trop cher à cause des taxes de secteur. «Personne n’est venu me voir pour me dire que cela les intéressait, alors on a laissé ça pour mort», explique le maire.
La présidente du Regroupement citoyen aimerait que le projet soit «raisonnable» et modifié pour éviter le dynamitage.
Jean-Sébastien Noël soutient cependant que le complexe immobilier, dans sa forme actuelle, représente une solution durable pour assurer la pérennité du golf et son vaste espace vert.
«Partout en province, les clubs de golf tombent pour faire place à des projets immobiliers. Nous, on souhaite préserver le terrain avec un seul immeuble, sans couper aucun arbre», avance-t-il.
«Malgré les nombreuses difficultés rencontrées, nous poursuivons notre engagement à collaborer avec la Municipalité et nos voisins afin de créer un milieu de vie à la hauteur de Lac-Beauport», conclut-il.
Les travaux devraient débuter à l’automne et se terminer à l’automne 2026. La prévente des unités de condo, évaluées entre 350 000 $ et 1,5 million, a été prioritairement ouverte aux citoyens du coin et à leurs familles.
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