Il y a une semaine, l’agence de notation Standard & Poor’s (S&P) a annoncé que la cote de crédit du Québec passait de AA- à A+. On ne se fera pas d’illusions: la nouvelle n’a sans doute pas animé vos discussions entre le chocolat de Pâques et la mort du pape.
Le ministre des Finances Eric Girard a assuré que cette décote, une première en 30 ans, n’a eu «aucun impact» et que l’émission d’obligations du Québec, mardi matin, s’est faite sans changement au taux d’intérêt.
En gros, une décote pourrait faire en sorte que la province devra payer plus d’intérêt pour emprunter sur les marchés.
Donc, sujet un peu abstrait, survenu en plein congé pascal et pendant une relâche parlementaire.
On passe à autre chose? Oh que non!
Cette décote entache le gouvernement Legault qui se disait le parti de l’économie. Et le retour après une semaine de pause à l’Assemblée nationale le lui a bien rappelé.
Entre les accusations de «négligence» et «d’incompétence», de la part des oppositions, l’image est dévastatrice pour la CAQ. Elle vient cristalliser l’idée d’un gouvernement qui n’a pas rempli ses promesses sur les plans économique et bureaucratique.
Ce sera une pire nouvelle encore si d’autres agences emboîtaient le pas à S&P.
Mardi, le ministre Girard, qui sera à New York la semaine prochaine, a plaidé que le Québec n’est pas seul à avoir vu sa cote abaissée.
«S&P a une perspective d’ensemble négative sur le Canada», a-t-il indiqué en mêlée de presse à l’Assemblée nationale. «La Colombie-Britannique a été décotée avec une perspective négative, la Nouvelle-Écosse a maintenant une perspective négative, le Nouveau-Brunswick a perdu sa perspective positive, et nous avons eu une décote. Alors, il y a un contexte.»
Oui, il y a un «contexte». Les temps sont durs et incertains pour les finances de tous les gouvernements.
Mais plusieurs décisions n’ont rien à voir avec la présente guerre commerciale.
On peut reprocher bien des choses à Donald Trump, mais il n’a rien à voir dans la décision de la CAQ de mettre des chèques «dans malle» de 400 $ à 600 $ fin 2022.
Pas plus que dans les salaires versés au secteur public. Ni dans les baisses d’impôts. Ni dans la présentation de budgets dans le rouge, bien avant celui de mars dernier.
Troisième lien? Pas de problème!
Mais pendant ce temps, pas de problème, décote ou pas, on est à fond pour le troisième lien.
Aux yeux du gouvernement Legault, il faut le faire coûte que coûte, alors qu’on apprenait l’octroi d’un contrat 46 millions pour des frais d’ingénierie pour le troisième lien le jour même de la décote, mercredi dernier.
Tout va tellement bien, faut croire, que mardi, le gouvernement a lancé un nouvel appel d’offres. Cette fois, 15,2 millions visant à mener des «investigations géotechniques» pour ce projet qui n’existe pas encore.
Mais qu’importe, le premier ministre François Legault y tient, à son troisième lien. Il l’a encore dit mardi en entrevue avec Patrice Roy, à RDI. «Dans la grande région de Québec, on en a besoin d’ici une dizaine d’années. On avance sur ce projet-là.»
Et tout ça pendant que des rénovations ou constructions d’infrastructures en santé et en transport ont mises sur la glace.
«L’économie du Québec va bien», assure François Legault.
Le visage économique de son gouvernement, un peu moins.
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