Toutefois, l’acheteur et transformateur de homard Roch Lelièvre, de la firme Lelièvre, Lelièvre et Lemoignan, de Sainte-Thérèse-de-Gaspé, remarque la prudence des grossistes, des chaînes d’alimentation et des poissonneries situées en milieu urbain, de même que des importateurs américains.
Le climat d’incertitude caractérisant l’économie américaine et ses effets sur un voisin comme le Canada influencent les transactions dans le secteur des pêches, comme ailleurs, note M. Lelièvre.
«Ils regardent, les acheteurs de nos produits. Les deals sont lents. Ça aide, qu’il n’y ait pas de tarifs sur les produits marins, mais ils ont toujours une crainte pour l’économie. Avec des tarifs, ça aurait été costaud comme situation. Les gens attendent de la stabilité et il n’y en a pas. Personne n’est en confiance. On a toujours une épée de Damoclès sur la tête. Il est tôt pour voir la tendance de la saison», analyse-t-il.
La saison de capture du homard en Gaspésie a débuté le 27 avril, et les premiers débarquements ont été réalisés le lendemain. Elle dure 10 semaines, avec un nombre maximal de 68 jours de prises. Aux Îles-de-la-Madeleine, la 150e saison s’est amorcée le 3 mai avec la mise à l’eau des casiers. Les premières prises ont été débarquées le 5 mai, et la saison dure neuf semaines, déployée en 54 jours de captures. Les Madelinots ne pêchent pas le dimanche.
Les prises de homard des Îles-de-la-Madeleine influencent grandement ce qui sera payé aux homardiers gaspésiens depuis que les usines de la péninsule ont décidé d’aligner leur prix sur celui des Madelinots à compter du début de saison dans l’archipel.
Ce prix sera donc fixé au début de la semaine prochaine par une équation comptable tenant compte des transactions réalisées auprès d’un certain nombre d’acheteurs. Il est ainsi ajusté toutes les semaines.
Les consommateurs avantagés pour le moment
La baisse de 0,75 $ du prix versé aux pêcheurs gaspésiens est reçue avec quelques grincements de dents, mais elle fait l’affaire des consommateurs. Roch Lelièvre exploite aussi une poissonnerie à côté de son usine, usine qui emploie 230 personnes.
«On vend le homard 8,95 $ la livre, vivant. L’an dernier, c’était 9,75 $. Le prix de 7$ au pêcheur n’est pas définitif. On va voir. Normalement, après l’arrivée du plan conjoint [l’équation comptable déterminant le prix aux Îles-de-la-Madeleine], le prix monte un peu. Les gens [pêcheurs] sont déçus, mais la saison est encore jeune, même si elle passe vite», précise-t-il.
L’acheminement plus massif que d’habitude de homards de la Nouvelle-Écosse sur les marchés du Québec, de l’Ontario et des États-Unis constitue l’un des éléments contribuant à maintenir assez bas le prix au débarquement en ce printemps 2025.
«La Nouvelle-Écosse vendait beaucoup en Chine, mais les usines doivent faire face à une pénalité de 44%. La Chine impose un tarif de 25%, plus une taxe. Les entreprises de la Nouvelle-Écosse vendent partout dans nos marchés. Les Américains, en plus, sont plus lents à acheter cette année.»
—  Roch Lelièvre
Si les acheteurs de homard vivant sont hésitants, le marché de la chair, des produits transformés donc, est plus vigoureux.
«Les acheteurs ne nous courent pas après, mais le marché de la chair est bon. Les inventaires de produits congelés étaient bas en début de saison. On a aussi commencé à faire des produits pour l’Europe. Cette semaine, on a une van [un conteneur sur remorque de camion] qui est exportée là -bas. Tous les secteurs de pêche [du Canada atlantique] ont commencé. Il faut diversifier les marchés», signale M. Lelièvre.
La fête des Mères est la plus grande période de consommation de homard au Québec. «Les grandes chaînes embarquent, autant Métro que IGA. Ça nous aide beaucoup», dit-il, ajoutant qu’après le 11 mai, les usines québécoises doivent étendre géographiquement leurs débouchés.
Un rythme de capture plus lent
Roch Lelièvre, qui achète les prises d’une quinzaine de homardiers gaspésiens et celles d’une cinquantaine de pêcheurs néo-brunswickois, a observé un rythme inférieur de captures, par rapport à 2024.
«La météo a été dure, le vent surtout. Ça pêche tout le temps, mais les prises sont plus lentes à rentrer que l’an passé», note-t-il.
Les homardiers Johnny Ross et George Skene, basés à Saint-Godefroi, du côté sud de la Gaspésie, abondent dans le même sens.
«Mes débarquements sont un peu plus bas cette saison que l’an passé, mais c’est seulement le début de saison», note M. Ross.
«Je ne compare pas mes chiffres tous les jours avec ceux de l’an passé, mais on dirait que cette année, c’est un peu mieux. Le temps qu’il fait est difficile, par contre», précise George Skene.
En 2024, les débarquements de homard au Québec ont poursuivi leur ascension pour une huitième année d’affilée, selon les statistiques du ministère fédéral des Pêches et des Océans. Les homardiers québécois ont livré 14 664 tonnes métriques de leur crustacé. Les revenus globaux se sont établis à 228 millions de dollars, un modeste recul de 4 millions par rapport à 2023.
Seul un fléchissement du prix, de 7,43 $ la livre en 2023 à 6,99 $ en 2024, une baisse de 5,9 %, explique la légère baisse des revenus. En 2024, les prises de homard aux Îles-de-la-Madeleine ont accaparé 51% du total québécois. La montée depuis quelques années de la Gaspésie et de la Côte-Nord à ce chapitre a été plus accentuée que celle des Îles, où un record a tout de même été enregistré en 2024.
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