Nommé président de l’organisme philanthropique, l’hiver dernier, l’homme d’affaires Phillip Gauthier a rédigé à la fin septembre sur son compte Facebook une publication qui a vivement fait réagir le Syndicat des enseignantes et enseignants du Cégep de l’Outaouais.
«Un des grands responsables de la tendance inflationniste actuellement au Québec sont les syndicats avec des augmentations salariales exagérées et des conditions de travail qui limitent la productivité. Au final, nous restons pris dans cette boucle sans fin où le plus grand perdant est le consommateur. L’État n’a plus d’argent, le particulier n’a plus d’argent. Le seul gagnant ici est le syndicat», avait écrit M. Gauthier, en réaction à une chronique de La Presse qui abordait le taux de chômage chez les jeunes et le conflit de travail à la Société de transport de Montréal.
Dans son message, qui a depuis a été supprimé, Phillip Gauthier soulignait que «la création des syndicats a été une bonne chose pour les travailleurs dans les années 60-70 pour les protéger des abus patronaux. Aujourd’hui, l’abus est inversé et les syndicats ont perdu contact avec la réalité.»
«On ne peut plus avoir le beurre et l’argent du beurre. Notre château de cartes s’écroule… ou s’écroulera», renchérissait-il.
Ses propos, formulés au moment où le torchon brûle entre le gouvernement Legault et les centrales syndicales, ne sont pas passés inaperçus.
Christian Bernier, président du syndicat des enseignants, a relayé à deux reprises cette publication, soutenant que bien qu’il s’agisse d’une opinion personnelle, de tels propos sont «déplacés et indignes» venant du président de la Fondation «d’un milieu d’enseignement supérieur entièrement syndiqué». Il invitait du même coup le conseil d’administration à se poser la question si cette opinion est en phase avec les valeurs de l’organisme.
«À mon avis, ce type de propos n’est pas compatible avec les fonctions de président de fondation d’un Cégep où les employés sont entièrement syndiqués et où les relations syndicales-patronales vont bien. Il y a à mon avis un écart entre les fonctions et les propos qu’il tient. C’est sûr qu’il a une opinion, il est un citoyen, mais n’empêche qu’il prend souvent la parole au nom de la Fondation, alors les deux rôles se confondent jusqu’à un certain point.»
— Christian Bernier, président, Syndicat des enseignantes et enseignants du Cégep de l’Outaouais
Dans une ère où on sent plus de remises en question et de mécontentement sur le rôle syndical, ajoute-t-il, la prise de position de M. Gauthier s’inscrit dans cette mouvance.
«En tant que président d’un syndicat, je ne peux évidemment pas être en accord avec ça. Si ça avait été plus nuancé et moins grossier, j’aurais peut-être eu des nuances à apporter, mais c’était absolument sans nuance, justement», se désole M. Bernier, qui prétend que de nombreux membres du personnel ont mal digéré ces affirmations.
À son avis, c’est faire fausse route que de mettre tous les syndicats dans le même panier, «comme faisant partie du problème».
«L’autre chose que je ne peux pas accepter, c’est qu’il dise que le seul gagnant par exemple des hausses salariales, ce sont les syndicats. Comme si ce n’était pas d’abord et avant tout les syndiqués, le personnel, qui profite de ces hausses-là, lance M. Bernier. C’est une mécompréhension crasse de ce qu’est le mouvement syndical, comme si les 17,4 % [sur cinq ans, négociés à l’automne 2023 dans le secteur public] ne favorisaient que les syndicats. C’est démagogique de dire ça.»
Départ pour des motifs personnels
Sans réagir directement aux propos reprochés à M. Gauthier, la Fondation du Cégep de l’Outaouais indique que ce dernier a démissionné du conseil d’administration lundi «pour des motifs qui lui sont personnels».
«M. Gauthier a consacré près de dix années à la Fondation avec un engagement remarquable. Son dynamisme et son dévouement ont grandement contribué au rayonnement de notre mission. Nous avons perdu un bénévole d’exception, qui a su faire progresser notre Fondation de façon remarquable. Nous le remercions sincèrement pour son implication et lui souhaitons le meilleur pour la suite. La Fondation n’entend pas commenter davantage cette démission.»
— Nadine Bigras, présidente par intérim de la Fondation du Cégep de l’Outaouais
Il n’a pas été possible d’obtenir la version des faits de Phillip Gauthier, malgré une demande lui ayant été formulée.
Créée en 2007, la Fondation a engrangé des revenus de 1 775 000 $ en 2024. De cette somme, plus de 420 000 $ provenaient de dons et de commandites, alors que le stationnement est la source principale de revenus (788 000 $). Environ 440 000 $ ont été notamment versés à des étudiants enseignants et organismes internes; en plus des 230 000 $ en dons qui ont été dédiés à des bourses, programmes d’aide et initiatives pour améliorer l’expérience académique et personnelle des étudiants.
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