10:48 am - 21 juin, 2025

Ces tentatives de réunions familiales ont souvent lieu quand une des personnes impliquées a un statut d’immigration ou un dossier criminel qui l’empêche de traverser légalement la douane du Canada vers les États-Unis, ou l’inverse.

Comme on peut circuler librement à l’intérieur de la bibliothèque, qu’on provienne de l’un ou l’autre des deux pays, des familles utilisent ce lieu unique pour se réunir. Mais leurs espoirs sont vite déçus. Les rassemblements familiaux sont interdits.


À leur sortie de la bibliothèque, les visiteurs du côté canadien peuvent souvent apercevoir une voiture de la US Border Patrol (la camionnette blanche avec une ligne verte) du côté américain.
(Les Coops de l’information)

«On a vu des cas déchirants, des personnes qui ne s’étaient pas vues depuis des années», confie la présidente du conseil d’administration de la bibliothèque et salle d’opéra Haskell, Sylvie Boudreau.

Les policiers américains et canadiens ne rentrent pas à l’intérieur de la bibliothèque pour gérer qui parle à qui. Ils savent par contre que ces rencontres peuvent donner lieu à des échanges de cadeaux… ou de marchandises illégales.

Cela est interdit, parce que toutes les marchandises «doivent absolument passer par la douane pour traverser d’un pays à l’autre», dit la porte-parole de la Gendarmerie royale du Canada (GRC), Martina Pillarova.

Pendant la pandémie, certaines familles ont profité de la localisation exceptionnelle de la bibliothèque pour se voir, à l’intérieur ou à l’extérieur, alors que la frontière était fermée pour freiner la propagation de la COVID-19. Les autorités avaient alors fait preuve d’une certaine tolérance.

Mais aujourd’hui, chaque écart déclenche une réaction policière. Des policiers canadiens et américains sont presque toujours sur place.

La GRC n’a cependant pas augmenté le nombre d’interventions, au cours des derniers mois. Il faut dire qu’elle était déjà très présente sur les lieux.

«Il y avait déjà souvent des membres de la GRC près de la bibliothèque avant la médiatisation, soutient la porte-parole Martina Pillarova. La plupart des passages illégaux qui se font à Stanstead ont lieu dans ce secteur, car c’est un des lieux les plus faciles où traverser la frontière au niveau du terrain. C’est donc un point de surveillance stratégique.»

À cet endroit, en effet, un simple trottoir permet de traverser la frontière sans se mouiller les pieds, loin des longues marches dans le bois qui, chaque année, causent de graves blessures à des migrants.

Récemment, un agent de la patrouille frontalière américaine (US Border Patrol) est intervenu à la suite d’une telle rencontre. Une des personnes impliquées n’était pas ressortie par la porte où elle était rentrée.

«L’agent s’est montré compréhensif», explique Mme Boudreau, soulagée.

Mais à la bibliothèque, on sent que les agents du US Border Patrol n’entendent pas à rire.

La nouvelle porte canadienne, récemment ouverte à l’arrière du bâtiment, ajoute à la confusion. Cette porte se trouve juste en face du stationnement de la bibliothèque Haskell qui, lui, est situé aux États-Unis.

Un visiteur américain a récemment reçu la visite d’un agent du US Border Patrol après être rentré par la mauvaise porte.

Il y aura donc encore des ajustements à faire, indique Mme Boudreau. Les travaux pour embellir la porte du côté canadien devraient commencer dans les prochains mois. Tous ces aspects seront revus, réfléchis, améliorés.

«Particulièrement après les spectacles, il faut diriger les gens pour éviter la confusion. On leur demande: “De quel côté est votre voiture? C’est là que vous devez sortir”», ajoute-t-elle.

Un Canadien qui sortirait par la porte américaine sans avoir d’abord passé par le poste douanier pourrait se voir remettre une amende de 5000 $ et même se voir interdire d’entrer aux États-Unis pendant cinq ans. Du côté canadien, il y a aussi des sanctions possibles.

Des affiches dans le bâtiment rappellent la règle simple: entrer et sortir du même pays. Pas de raccourci. Car la bibliothèque Haskell est une anomalie fragile. En théorie, on peut y entrer de l’un ou l’autre pays sans passer les douanes. En pratique, chaque pas est surveillé.

«C’est aussi une question de sécurité pour nos employés et nos visiteurs, et aussi pour les deux pays», mentionne la présidente de la bibliothèque Haskell, qui a elle-même été agente des services frontaliers à Stanstead durant deux décennies.

Sur place, les autorités canadiennes et américaines ont ajouté des caméras et d’autres technologies à celles qu’elles avaient déjà à proximité.

Les agents du US Border Patrol s’y stationnent aussi très souvent, l’œil attentif.

La présence des policiers ne freine pas les personnes qui veulent se rendre à la bibliothèque pour emprunter des livres, voir des spectacles, ou simplement la visiter tout en respectant les règles.

Le calme règne dans les salles de lecture. Les enfants feuillettent des albums. Des adultes trouvent des romans pour passer le temps. On y emprunte des DVD, des jeux de société aussi. La frontière est là, toujours. Invisible, mais incontournable.

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Le Soleil est un quotidien francophone de Québec. Fondé le 28 décembre 1896, il est publié en format compact depuis avril 2006.

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