9:55 pm - 18 juin, 2025

Il s’agirait de la première étude clinique randomisée au monde à mesurer l’efficacité de ce que les chercheurs appellent le «modèle de Montréal», une approche de plus en plus populaire pour le traitement de la dépression résistante et souvent accompagnée de pensées suicidaires.

«Il y avait des données qui montraient que l’expérience de la kétamine, quand on la regarde avec un œil thérapeutique, pourrait être potentiellement bénéfique, a dit un des auteurs de l’étude, le docteur Nicolas Garel, un spécialiste du Centre de recherches du CHUM qui étudie l’utilisation des substances psychoactives dans le traitement des problèmes de santé mentale.

«C’est là que, à force de traiter des patients et de développer cette réflexion, est né le modèle de Montréal, qui intègre la kétamine dans un modèle intégratif.»

Ce n’est pas d’hier que la kétamine, un anesthésiant, est utilisée dans le traitement de la dépression. On la décrit même parfois comme la plus importante découverte psychopharmacologique des trente dernières années.

Ses effets s’estompent par contre habituellement après sept ou dix jours, et tout est à recommencer.

Même avec une dose minime

Les chercheurs montréalais ont toutefois constaté que si on intègre la kétamine à un environnement thérapeutique et si on la jumelle à une psychothérapie hebdomadaire, certains patients affichaient une amélioration de leurs symptômes jusqu’à huit semaines après la fin du traitement.

«On parle de gens extrêmement malades, a précisé l’autre auteur de l’étude, le docteur Kyle Greenway de McGill. On est dans une sous-catégorie de gens beaucoup plus atteints. Et même dans cette population-là, on montre que la kétamine a un effet quand même assez significatif. On parle de gens qui ne répondaient plus à rien, et environ 30 ou 40 % des patients sévèrement déprimés vont répondre à cette intervention-là.»

Dans le cadre du modèle de Montréal, ont expliqué les auteurs de l’étude lors d’une longue conversation avec La Presse Canadienne, l’effet psychédélique de la kétamine et les états altérés de conscience qui en résultent sont vus comme bénéfiques et non comme des effets secondaires.

«Notre approche, c’est de regarder l’expérience de la dissociation pas comme une forme de psychose, mais peut-être comme quelque chose qui a une valeur thérapeutique, a expliqué le docteur Greenway. Est-ce qu’on peut trouver des évidences que ça fonctionne?»

Les chercheurs ont constaté que la kétamine, lorsqu’on l’utilise dans le contexte du modèle de Montréal, peut avoir un effet bénéfique important, même avec une dose qui serait considérée minime dans un contexte d’anesthésie.

La kétamine, a dit le docteur Greenway, pourrait permettre au patient de vivre ses émotions plus intensément dans le contexte d’une psychothérapie.

«Le fait qu’on soit exposé à nos pensées ou à nos émotions [difficiles] plus intensément, ça nous rend plus vulnérable, a-t-il dit. La thérapie, ça marche aussi par une relation interpersonnelle et plus on est vulnérable, plus on se sent accepté et compris par un thérapeute dans un état de vulnérabilité, plus c’est thérapeutique en général.»

«Lâcher prise»

De plus, a dit le docteur Garel, chez des patients aussi souffrants, l’effet très rapide de la kétamine, même s’il est transitoire, «peut les amener à s’impliquer dans un processus thérapeutique […] parce que quand on est très souffrant, c’est difficile de s’engager dans un processus psychothérapeutique».

Le but, a ajouté le docteur Greenway, «ce n’est pas d’avoir une expérience mystique, c’est d’apprendre ensemble ce que ça veut dire “lâcher prise”».

Les patients qui ont été accompagnés dans le cadre de cette étude ont cheminé «d’une manière très riche», a poursuivi le docteur Garel.

«On les a vus se réaliser, avoir des processus d’autocritique, se redécouvrir une curiosité pour eux-mêmes, pour la vie, pour les autres, retourner à des activités qui avaient mises de côté pendant des années puisqu’ils étaient dans un état d’immobilisme, puis de perte totale de sens», a-t-il dit.

C’est le «fun», a ajouté le docteur Garel, de constater que l’étude vient démontrer quantitativement ce que le docteur Greenway et lui expérimentent à un niveau interpersonnel depuis plusieurs années.

L’étude, a-t-il dit, a démontré que les «bénéfices ont persisté dans le temps». Même un mois après la dernière dose de kétamine, on a constaté une réponse antidépressive, antisuicidaire et anxiolytique «complètement maintenue».

Le modèle de Montréal est en voie d’être répliqué et adapté ailleurs au Québec, mais aussi dans plusieurs pays du monde.

Les conclusions de cette étude seront publiées sous peu par le British Journal of Psychiatry.

Lire l’article original ici.

Le Soleil est un quotidien francophone de Québec. Fondé le 28 décembre 1896, il est publié en format compact depuis avril 2006.

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