5:26 pm - 19 juin, 2025

Dans son dernier long métrage, Les linceuls il traite du sujet du deuil, mais à travers le prisme de la technologie.

Karsh (Vincent Cassel) est un homme d’affaires prospère, mais profondément marqué par la perte de sa femme, Becca (Diane Kruger).

Pour maintenir un lien avec elle, il utilise les ressources technologiques de sa compagnie pour créer les «linceuls»: des combinaisons permettant d’observer un corps en temps réel, même six pieds sous terre.

En entrevue avec Le Soleil, le cinéaste a discuté en profondeur de ce dilemme éthique.

Question Qu’est-ce qui vous a inspiré à vouloir parler des linceuls?

Réponse J’ai 82 ans, à un certain moment on commence à réfléchir sur la mort. Mais c’est surtout le cas depuis que ma femme est décédée en 2017. J’ai réalisé que ça prend un temps dans la vie pour réaliser l’impact de la mort.

Quand on est enfant, on n’anticipe pas ce moment quand nos parents vont mourir, alors que c’est quelque chose de très important.

Il vient un moment où tu n’as pas le choix de réaliser que tes parents vont mourir, et que toi aussi tu vas mourir.

«Pour moi, c’est naturel si tu es un philosophe ou un artiste, tu vas éventuellement réfléchir à la question de la mort.»

—  David Cronenberg, réalisateur

Dans mon cas, la mort de ma femme a été significative de par notre proximité et le temps que nous avons passé ensemble.

Alors c’est à ce moment que je réfléchis au sujet des linceuls.

Q On voit que votre personnage principal utilise la technologie pour rester connecter avec sa femme décédée. Est-ce que vous redoutez l’usage qu’on pourrait faire de la technologie dans le futur pour faire notre deuil?

R C’est intéressant, car les gens m’ont demandé si faire ce film m’a aidé à faire mon deuil. Et la réponse est non, pas du tout.

Mais je sais que des compagnies travaillent déjà sur le développement d’avatars qui vont nous ressembler et parler comme nous.

Ce faisant vous allez pouvoir vous connecter à n’importe quel moment que vous le voulez directement avec les êtres que vous avez perdus.

Auparavant, nous n’avions pas accès à toutes ces technologies.

«Maintenant, la question est, malgré le réalisme de cet avatar, est-ce que cela va vraiment vous aider dans votre deuil ou bien cela va seulement augmenter votre chagrin?»

—  David Cronenberg, réalisateur

Selon moi, il y a quelque chose d’encore plus triste par le fait que ça ne sera pas une personne que tu pourras sentir et tenir dans tes bras.

Q Les nouvelles technologies ont un rôle important dans votre film. Parmi celles que vous avez explorées, laquelle vous effraie le plus et pourquoi?

R Il n’y en a pas qui m’effraie en réalité. Chaque technologie est une réflexion sur qui nous sommes.

«Elles nous permettent à la fois des choses incroyables et horribles à la fois. Chaque avancée technologique peut a un potentiel constructif et destructif.»

—  David Cronenberg, réalisateur

Chaque fois qu’on crée quelque chose de nouveau, quelqu’un veut l’utiliser pour tuer des personnes, prenons l’exemple avec les drones.

On peut penser aussi à la bombe atomique. L’énergie nucléaire en soi est exceptionnelle, mais bien entendu on l’a utilisée pour tuer des dizaines de milliers d’individus.

Donc ça ne m’effraie pas, car j’ai réalisé que c’est ce qu’on a toujours fait avec la technologie.

Q Vincent Cassel porte le film sur ses épaules. Parlez-moi de ce que ç‘a été de travailler avec lui à nouveau.

R J’ai eu le plaisir de travailler deux fois avec lui par le passé (La promesse de l’ombre et Une méthode dangereuse), donc nous nous connaissions très bien.

Nous avons une connexion personnelle. C’est un être très attachant. Ce film était un gros défi pour lui.

C’est la première fois qu’il avait autant de dialogues à apprendre. Alors pour lui de faire ça en anglais en plus, c’était quelque chose.

Q À 82 ans, à quel point avez-vous encore la flamme pour votre métier?

R Ce n’est pas juste une question de passion, c’est aussi les capacités physiques et mentales de faire des films.

Suis-je assez fort? On ne le sait que quand on se lance dans un projet.

J’y ai pensé énormément dans les dernières années, car avant Les linceuls je n’avais pas fait de films depuis cinq ans.

«J’ignorais si j’allais être aussi bon que je l’étais dans le passé. Mais j’ai toujours la passion, on ne peut pas faire de film sans ça.»

—  David Cronenberg, réalisateur

Et avec tout le chaos économique actuel, ça ne sera pas facile pour les cinéastes indépendants d’en faire. Amassée de l’argent sera une tâche difficile.

On verra ce qui arrivera dans l’avenir, mais j’ai encore des projets en tête.

Les linceuls prendra l’affiche le 25 avril.

*Les questions et les réponses ont été éditées à des fins de clarté et de concision


Bande-annonce «Les linceuls»
(Sphère Films)

Lire l’article original ici.

Le Soleil est un quotidien francophone de Québec. Fondé le 28 décembre 1896, il est publié en format compact depuis avril 2006.

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