«Ce qui s’est passé cette année-là [en 2008] n’est tellement pas à l’image du joueur qu’il était à l’époque», assure l’un de ses coéquipiers du temps qui requiert l’anonymat en revenant sur les incidents entourant le fameux match du 24 avril 2008.
Menacés de se faire balayer par les Olympiques de Gatineau en demi-finale de la LHJMQ, les Mooseheads et Brad Marchand n’ont plus aucune marge de manœuvre dans leur quête de la Coupe du Président.
À quelques heures du quatrième match de la série, l’entraîneur-chef de la formation de la Nouvelle-Écosse, Cam Russell, qui n’apprécie pas l’attitude de son vétéran de 19 ans, préfère laisser son numéro 91 dans les gradins du Centre Robert-Guertin.
En pleine santé, Marchand vient d’être blanchi une deuxième fois de suite dans un dur revers de 6 à 1. Quelques heures plus tard, Claude Giroux et Paul Byron (18 points dans la série) s’éclatent dans une autre victoire de 5 à 2 contre Halifax.
«Je me suis opposé à la décision car il pouvait s’agir de mon dernier match de hockey junior, mais ce sont des choses qui arrivent dans le hockey et je dois vivre avec cette décision», réagit Marchand après l’élimination de son club en entrevue avec Le Droit.
À peu près tous les gens consultés lors de la rédaction de cet article s’entendent à dire que la partie du 24 avril 2008 est un accident de parcours dans une carrière junior quasi sans faute.
Voici trois témoignages.
Premier arrêt: Moncton (2004 à 2006)
Dès qu’il débarque dans le vestiaire des Wildcats de Moncton, Brad Marchand affiche une détermination sans borne pour un jeune de 16 ans. Le choix de 2e tour du club (24e au total) n’a pas froid aux yeux, à la stupéfaction de l’entraîneur adjoint du temps, Daniel Lacroix.
«Il a voulu s’imposer dès le départ, il en voulait toujours plus, se souvient l’ex-adjoint des Islanders, du Lightning et des Canadiens de Montréal. Son caractère, sa drive, sa confiance, c’était quelque chose à voir.»
Le style provocateur (trash talk) de la jeune recrue fait déjà partie de sa personnalité. «Il n’avait pas fini de s’approcher du cercle des mises au jeu qu’il avait déjà commencé à parler [à ses rivaux]!» s’esclaffe Daniel Lacroix.
Après leurs deux années passées ensemble à Moncton, durant lesquelles les Wildcats ont remporté une Coupe du Président (2006), les deux hommes ont fini par se recroiser dans la Ligue nationale. Lacroix avec le Lightning et Marchand avec les Bruins ont même croisé le fer lors de la finale d’association de 2011.

Cette année-là , Marchand et les Bruins ont remporté la Coupe Stanley après avoir éliminé le club de la Floride dans un septième match remporté 1 à 0.
«Il était épouvantable à affronter et tellement facile à détester! sourit aujourd’hui Daniel Lacroix. Je suis content que les gens puissent mieux le connaître, car derrière le personnage, il y a toujours eu un gars facile à diriger, mais qui a beaucoup maturé.»
Deuxième arrêt: Val-d’Or (2006 à 2007)
Compensation à la transaction qui a envoyé Luc Bourdon aux Wildcats en 2006, Brad Marchand prend le chemin de Val-d’Or quelques mois plus tard. Le natif de Halifax est réticent à déménager en Abitibi en raison de l’éloignement et de la barrière linguistique.
«Il avait fallu déployer l’opération séduction, résume l’entraîneur-chef des Foreurs de l’époque, Éric Lavigne. J’avais eu une bonne discussion avec lui, je lui avais dit que ce serait bon pour son cheminement de jouer beaucoup, d’être utilisé à toutes les sauces. Je savais qu’on pouvait le pousser et qu’il amènerait beaucoup à l’équipe.»
L’opération charme en vaudra le coup puisque Marchand conduit les Foreurs jusqu’en finale de la LHJMQ la même année, quatre mois après la conquête de la médaille d’or avec Équipe Canada junior 2007.
Près de deux décennies plus tard, impossible pour Éric Lavigne d’oublier le but vainqueur qu’a inscrit son numéro 17 dans le cinquième duel de la demi-finale contre les Screaming Eagles au Cap-Breton, une série de format 2-3-2.
La victoire acquise en prolongation sauvait les Foreurs de l’élimination et ces derniers accèdent à la finale quatre jours plus tard.
«Je pense qu’il a fait le tour de la glace après avoir scoré, tout le monde lui lançait des bouteilles d’eau, du Marchand tout craché!»
Depuis ce temps, Lavigne s’amuse à rappeler à ses proches qu’on ne perd presque jamais à se tourner vers Brad Marchand en prolongation. «Il se passe tout le temps quelque chose avec lui, ricane-t-il. Quand ça compte, il est là .»

Brad Marchand, de dire l’actuel directeur des sports du Cégep Garneau, a toujours eu les qualités de ses défauts et les défauts de ses qualités. Une confiance qui pouvait parfois frôler l’arrogance, et avec une soif insatiable de marquer des buts.
«Il en était même tannant pour nos propres gardiens dans les entraînements, relate Lavigne. Il pouvait pousser sur le gardien pour saisir quatre retours de lancers et chaque fois qu’il scorait, c’était comme s’il venait de marquer le but du 7e match de la Coupe Stanley.»
Troisième arrêt: Halifax (2007 à 2008)
Le choix des Bruins de Boston était le meneur actif pour le nombre de parties jouées en séries éliminatoires.
Après un an et demi passé à Val-d’Or, Brad Marchand est à nouveau échangé, mais cette fois dans sa ville natale de Halifax. Dans la transaction à trois, qui impliquait aussi les Remparts de Québec, les Foreurs ont obtenu Maxime Sauvé et cinq choix de repêchage, dont deux choix de premier tour (2011 et 2012), deux choix de deuxième tour et un choix de troisième tour.

Une facture salée pour quatre mois de hockey, mais que referait sans hésiter l’ancien directeur général des Mooseheads, Marcel Patenaude, qui connaissait les parents du jeune ailier, Kevin et Lynn Marchand, depuis ses années de hockey mineur à Hammonds Plains, en banlieue de Halifax.
«J’ai toujours cru en lui, en son côté compétiteur, résume Patenaude, qui le compare à un autre ancien ailier des Bruins, Wayne Cashman. C’était un pur sang, qui voulait faire la différence. Il ne jouait pas pour le plaisir, il jouait pour gagner. Il pouvait gagner un match à lui tout seul!»
Il va sans dire que Marcel Patenaude n’a jamais endossé la décision du 24 avril 2008 à Gatineau, un sujet qui a déchiré l’état-major des Mooseheads, dont faisaient partie Cam Russell et le propriétaire, Bobby Smith.
«Je ne l’ai pas accepté, parce que je voulais lui donner une autre chance, résume-t-il. Dès que je le défiais, il revenait avec un but ou deux passes, ou deux buts et une passe. Il carburait aux défis, il voulait être l’homme de la situation.»

Près de 17 ans et 13 buts en finale plus tard, Marchand est passé bien près de remporter prestigieux trophée Conn-Smythe remis au joueur le plus utile des séries de la LNH.
«C’est le même gars, les mêmes farces et les mêmes faces, c’est le même Denis la petite peste qu’on regardait à la télé», résume Éric Lavigne.
Le healthy scratch est maintenant double champion de la Coupe Stanley!
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