Mme Takaichi remplace le premier ministre sortant, Shigeru Ishiba, après que le Parti libéral-démocrate (PLD), au pouvoir depuis longtemps, a subi des pertes désastreuses lors des élections de juillet à la chambre haute du Parlement et perdu sa majorité à la chambre basse l’année dernière.
Son élection intervient au lendemain de la conclusion d’un accord entre le PLD et un nouveau partenaire, au sein d’une coalition fragile, qui devrait entraîner son bloc au pouvoir encore plus à droite.
«Je suis déterminée à bâtir une économie japonaise forte et à protéger les intérêts nationaux du Japon par la diplomatie et la sécurité», a assuré Mme Takaichi, partisane de la sécurité, élue à la tête du PLD le 4 octobre après la démission de M. Ishiba, qui a assumé la responsabilité de la dernière défaite électorale.
Sanae Takaichi a cité l’alliance nippo-américaine comme une «pierre angulaire» de la diplomatie japonaise et a souligné que le Japon est un partenaire indispensable pour les États-Unis dans sa stratégie visant à faire contrepoids à la Chine dans la région Indo-Pacifique.
La première, mais pas une féministe
Si Mme Takaichi a marqué l’histoire en devenant la première femme à diriger un pays où les hommes dominent encore largement, elle n’a pas promu l’égalité des sexes ni la diversité.
Admiratrice de l’ancienne première ministre britannique, Margaret Thatcher, Sanae Takaichi fait partie des personnalités politiques japonaises qui ont fait obstruction aux mesures en faveur de la promotion des femmes.
Elle soutient la succession exclusivement masculine de la famille impériale et s’oppose à l’autorisation de noms de famille distincts pour les couples mariés.
De plus, malgré sa promesse d’augmenter considérablement le nombre de femmes au sein du Cabinet, elle n’a nommé que deux ministres femmes : Satsuki Katayama aux Finances et Kimi Onoda à la Sécurité économique.
Mme Takaichi s’oppose également au mariage homosexuel.
«La naissance de la première femme première ministre du Japon est historique, mais elle jette un voile noir sur l’égalité des sexes et les droits des minorités sexuelles», a déclaré Soshi Matsuoka, militante pour les droits LGBTQ+, ajoutant que les opinions «extrêmement conservatrices» de Sanae Takaichi pourraient constituer un «grave revers» pour les droits des minorités sexuelles.
Cependant, certains Japonais estiment que le fait qu’elle ait brisé le plafond de verre en politique est en soi un signe important de progrès.
Une alliance gouvernementale fragile
L’alliance du PLD avec le Parti de l’innovation japonaise, parti de droite basé à Osaka, ne dispose pas de majorité dans les deux chambres, mais Mme Takaichi a tout de même réussi à remporter le poste de première ministre grâce au manque d’unité de l’opposition.
L’absence de majorité de son alliance l’obligera à courtiser les groupes d’opposition pour faire adopter des lois, un risque qui pourrait rendre son gouvernement instable et de courte durée.
Mardi, Sanae Takaichi a insisté sur la nécessité de coopérer. «Sans stabilité politique, nous ne pouvons pas mettre en place de politiques économiques, diplomatiques, sécuritaires ou autres solides», a-t-elle affirmé.
Les deux partis de sa coalition ont signé un accord sur des politiques soulignant les positions bellicistes et nationalistes de Mme Takaichi. Cet accord de dernière minute est intervenu après que les Libéraux-démocrates ont perdu leur partenaire de longue date, le Komeito, soutenu par les bouddhistes et dont la position est plus conciliante et centriste. Cette rupture menaçait d’entraîner un changement de pouvoir pour le PLD, qui gouverne le Japon de manière quasi ininterrompue depuis des décennies.
Sanae Takaichi se prépare à un discours politique majeur plus tard cette semaine, à des discussions avec Donald Trump et à des sommets régionaux au cours desquels elle devra également assurer des liens stables avec la Chine et la Corée du Sud. Elle doit rapidement s’attaquer à la hausse des prix et élaborer des mesures de relance économique d’ici fin décembre afin de calmer la frustration de la population.
Protégée de l’ancien premier ministre assassiné, Shinzo Abe, Mme Takaichi devrait s’inspirer de ses politiques, notamment en renforçant son armée et son économie.
Compte tenu de sa faible emprise sur le pouvoir, on ne sait pas encore ce qu’elle sera capable d’accomplir.
Le départ du Komeito de la coalition gouvernementale a suscité des inquiétudes quant à la vision de Mme Takaichi sur le passé militaire du Japon. Elle a régulièrement participé à des prières au sanctuaire Yasukuni, malgré les protestations de Pékin et Séoul, qui voient dans ces visites un signe d’absence de remords face à l’agression japonaise. Certaines remarques de la première ministre élue ont également été dénoncées comme xénophobes.
Elle a déclaré mardi souhaiter des relations stables avec Séoul et espérer rencontrer le président sud-coréen Lee Jae Myung. «Il y a peut-être des inquiétudes, mais j’adore les algues coréennes, j’utilise des cosmétiques coréens et je regarde aussi des séries coréennes.»
Réactions de la Chine, de la Corée du Sud et de l’UE
Le président sud-coréen a félicité Mme Takaichi et a dit espérer tenir un sommet avec elle lors des réunions de la Coopération économique Asie-Pacifique (APEC) en Corée du Sud ce mois-ci. Il a déclaré que les relations entre la Corée du Sud et le Japon étaient plus importantes que jamais face à l’incertitude mondiale croissante.
Un porte-parole du ministère chinois des Affaires étrangères, Guo Jiakun, espère que le Japon «honorerait ses engagements politiques sur des questions majeures, notamment l’histoire et Taïwan, maintiendrait les fondements politiques des relations bilatérales et ferait progresser les relations stratégiques sino-japonaises mutuellement bénéfiques».
La présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, a félicité Sanae Takaichi et s’est engagée à travailler avec elle au nom des 27 États membres de l’Union européenne.
«En tant que première femme première ministre du Japon, vous écrivez l’histoire», a écrit Ursula von der Leyen. «Je me réjouis de collaborer étroitement avec elle pour faire passer le partenariat unique entre l’UE et le Japon à un niveau supérieur».
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