Il ne fallait pas manquer cette production du TNM qui a entamé sa tournée en province à Québec à la Salle Albert-Rousseau mardi soir. Ce petit bijou est exactement ce que le Québec a besoin en ce moment, c’est-à-dire beaucoup d’amour.
Ấm est l’histoire d’amour entre une immigrante vietnamienne et un avocat québécois, mais aussi entre cette femme et son pays d’adoption, cette langue qu’elle embrasse sans retenue et ces gens auxquels elle s’attache dès le premier regard. Mais les relations amoureuses ne sont pas de longs fleuves tranquilles…
Le public sera témoin de plusieurs accrochages entre Jacques et Ành (les excellents Cynthia Wu‑Maheux et Jean‑Philippe Perras). Il les verra chercher des «accommodements raisonnables», remettre en question leur couple, mais aussi s’aimer avec fougue et détermination.
On offre une vision aussi réaliste qu’attendrissante de la vie de couple et du travail que demande l’amour entre deux personnes. Surtout quand elles ont des expériences de vie aussi différentes de Jacques et Ành; l’un a grandi dans un monde de privilégiés et l’autre parmi les personnes les plus vulnérables de notre société. Leurs rapports à l’argent, à l’ambition et à la famille semblent totalement opposés. Leur rencontre elle-même semble impossible…
Et le mystère demeure entier puisque le public fait leur connaissance à leur premier rendez-vous. Il suivra ensuite leur histoire en sautant d’un chapitre de leur vie à un autre, comme un rêve ou un souvenir lointain dont on ne se rappelle quelques scènes à la fois marquantes et banales.
Mais, au-delà des épreuves rencontrées par le couple, la plus grande peine d’amour que traversera Ành dans cette pièce est avec son Québec.
On reconnaît dans le propos de ce personnage ceux tenus par l’autrice lors de son passage à Tout le monde en parle, lorsqu’elle affirmait que le discours politique sur l’immigration a changé et, avec lui, l’attitude de la population envers les Néo-québécois.
Les mots de Kim Thúy nous touchent, nous attendrissent, nous font rire et réfléchir.
Cynthia Wu‑Maheux se les approprie si bien qu’on jurerait voir l’autrice elle-même sur scène. On reconnaît, dans son jeu, l’optimisme, l’énergie et la détermination de cette femme bien connue du public québécois.
La force de l’eau
Si Kim Thúy a toujours le mot juste, le succès de cette production du TNM est aussi dû à la sublime mise en scène de Lorraine Pintal qui apporte une grande poésie à ces histoires d’amour.
Cynthia Wu‑Maheux et Jimmy Trieu Phong Chung jouent par moment les deux pieds dans l’eau qui recouvre la scène. Une sorte de quai encadre ce lac artificiel sur lequel flottent deux plateformes qui s’unissent ou se divisent selon les états d’âme des amoureux.
Pour Kim Thúy, l’eau représente la capacité d’adaptation des immigrants et, de manière générale, cet élément évoque les émotions. Elle évoque aussi les océans traversés par cette femme née au Vietnam.
L’eau ajoute une grande poésie à l’œuvre. Tout comme les jeux de lumières blanches de Martin Sirois qui baignent le tout dans une transparence onirique et la musique de Michel Corriveau qui nous transporte quelque part entre le rêve et l’Orient.
Enfin, on ne pourrait oublier la fascinante et magnifique performance de Jimmy Trieu Phong Chung, qui joue le rôle muet du fils neurodivergent d’Ành.
L’interprète en danse est dans son propre monde tout en entretenant une relation émouvante avec Ành, mais aussi avec Jacques, ajoutant, en quelque sorte, deux autres histoires d’amour à cette œuvre.
Chacun de ses mouvements est empreint d’une immense poésie et d’une charge émotive puissante. On est fasciné par les chorégraphies contemporaines à saveur orientale de Jocelyne Montpetit qui font bon usage de l’eau.
Vraiment, Ấm est une pièce à ne pas rater!
Ấm poursuit sa tournée à travers le Québec et sera présentée à Rimouski le 23 octobre, à Sherbrooke le 28 octobre, à Terrebonne le 4 novembre, à Granby le 6 novembre, à Drummondville le 11 novembre, à Gatineau les 14 et 15 novembre et à Laval le 21 novembre.
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